Ode à la République

Auteur(s)

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Dizains de décasyllabes

Texte

Ainsi ce monarque sauvage,
Qui, fier de ses mille vaissau,
Des Grecs méditait l'esclavage
Fuit ; et seul, à travers les flots,
Complices de sa rage impie,
Jusques au fond de son Asie,
Court ensevelir ses projets ;
Et loin de sa féroce armée
Dans les murs de Suze alarmée,
Pleure d'inutiles apprêts.

De vos fureurs et de vos crimes
Quel climat n'a point retenti ?
Tyrans ! Du sang de vos victimes
Quel fleuve ne fut pas rougi ?
Enfin la mesure est remplie :
Entendez-vous votre agonie ?
De toutes parts elle a sonné.
Les peuples ont brisé leur chaîne ;
Et de votre chute prochaine
Partout le signal est donné.

Oh ! Que de sang je vois répandre !
Quel carnage de toutes parts !
Quels cris plaintifs se font entendre ?
Où vont ces femmes, ces vieillards ?
Quel est ce monstre sanguinaire,
Qui, pour mieux dévorer la terre,
Vient prêcher le ciel aux mortels ?
La hideuse mort le précède,
L'effroi des déserts lui succède ;
Le sang cimente ses autels.

Aux armes ! L'esclave s'avance ;
Volez, intrépides guerriers ;
Généreux soutiens de la France,
Méritez de nouveaux lauriers…
Fleurus, champ fidèle à la gloire,
Fleurus a fixé la victoire…
Les rois, sur leur trône, ont pâli
De l'ourse aux glaces antarctiques,
Secouant ses chaînes antiques,
Trois fois la terre a tressailli !

Où sont ces héros magnanimes,
Automates de Frédéric ?
Qu'ont fait de leurs talens sublimes
Et les Cobourg et les Brunswick ?
N'ont-ils, dans leurs projets funestes,
Pour armes, que des manifestes,
Que des libelles pour exploits ;
Pendant la paix, guerriers terribles, 
Ne savent-ils être invincibles
Que dans l'anti-chambre des rois ?

Vils conquérans d'un peuple esclave,
Ils comptaient déjà leurs succès !
Et par la lâcheté batave,
Jugeaient du courage français !
Pour assouvir leur barbarie,
De ses forêts, la Germanie
Sur nous vomissait les périls ;
Dans leur ivresse meurtrière,
Ils dévoraient la France entière ;
Le Français se lève, où sont-ils ?

Rassemblez-vous, rois de la terre,
Réunissez vos attentats ;
Ne pouvant vaincre par la guerre
Achetez, des assassinats :
Qu'au Nord tout le Midi s'allie,
Que le vain prêtre d'Italie
Lance ses foudres insensés ;
Le jour a lui : tremblez perfides !
Prêtres menteurs, rois parricides,
Le jour a lui, disparaissez.