Ode révolutionnaire
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Ils sont donc expirés, ces jours du despotisme ;
Où les peuples, jouets des prêtres et des grands,
Inondaient de leurs pleurs l'autel du fanatisme,
De leur sang inondaient les trônes des tyrans !
Que sont-ils devenus, ces tyrans fanatiques ?
Quel bras a pu briser ces trônes, ces autels ?
Qui peut avoir détruit ces préjugés antiques,
L'opprobre et la terreur des malheureux mortels ?
Qui ? La raison. En vain, aux flots de sa lumière,
Cent siècles de mensonge et de crédulité
Prétendaient opposer leur honteuse barrière ;
Elle a lui : de son sein jaillit la vérité.
Souvent les Aquilons, précurseurs de l'orage,
Du dieu brillant du jour ont fait pâlir le front :
Mais l'a-t-on jamais vu, victime de leur rage,
De ténèbres sans fin subir l'indigne affront ?
Ô raison ! Je t'entends : à tes accents sublimes,
La liberté renaît, l'ignorance s'enfuit ;
La superstition, fille et mère des crimes,
Se plonge en frémissant dans l'éternelle nuit.
Ministres impuissants de tyrans sanguinaires,
Que peuvent contre nous vos efforts insensés ?
La France brisera vos glaives mercenaires
Sur les corps palpitants de vos rois écrasés.
Sortez, sortez plutôt de votre longue ivresse !
À nos bras fraternels que vos bras soient unis !
La liberté, voilà votre unique déesse ;
Vos prêtres, vos tyrans, voilà vos ennemis.
Peuples, ne formons plus qu'une seule patrie :
Marchons !… Mais quel spectacle a frappé mes regards !
Je te vois, je t'entends, divinité chérie :
Liberté ! Nous volons sous tes saints étendards !
Réveillez-vous enfin, et saisissez vos armes,
Esclaves qui rampez sur ce vaste univers !
Sa généreuse main saura tarir vos larmes ;
Son bras victorieux saura briser vos fers !
Mais quel fracas soudain ! Partout gronde la foudre :
Sur l'aile de la mort elle vole en tous lieux :
Les autels sont brisés, les troncs sont en poudre,
Les tyrans sont détruits ; et le monde est heureux !
La douce égalité règne enfin sur la terre :
Elle parle ; il n'est plus d'opulence et de rangs ;
Et le peuple, soumis à sa loi salutaire,
Foule à ses pieds vainqueurs les riches et les grands.
Tel jadis, couronné de fastueux portiques,
L'Etna, pompeusement, sur son front glorieux,
Étalait et les monts et les rochers antiques
Dont la tête superbe osait braver les cieux :
Tandis que sous ses pieds, tapissés de verdure,
Rampaient timidement le modeste vallon,
Et le roseau fragile, et la cabane obscure,
Jouets infortunés du farouche Aquilon.
Soudain l'air s'obscurcit ; la terre tremble et gronde,
Et de son sein vomit, vers le ciel embrasé,
Un océan de feux, qui roule sur son onde
De l'orgueilleux Etna le front pulvérisé.
Le bruit cesse ; la nuit fait place à la lumière.
Dominant à son tour les monts déracinés,
L'humble vallon s'élève, et l'obscure chaumière
Plane sur les débris des palais calcinés.