Ode sur la fondation de la République
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Paratexte
Texte
Lorsqu'à la voix du Dieu qui transforme les mondes
La Nature, en travail enfantait l'univers,
L'air déchaîna le feu qui souleva les ondes,
Et la terre un moment disparut sous les mers ;
Mais tout à coup, du sein de ces mers impuissantes,
L'Athos, environné de vagues mugissantes,
S'élança dans les cieux déserts.
L'élément créateur qui brûlait dans ses veines
Y tourmentait encor les flots emprisonnés ;
Sa cime, gouffre ouvert, vomissait sur les plaines,
Des métaux confondus les débris calcinés :
Son aspect était nu, ses rocs étaient arides ;
En longs torrens de feu ses entrailles liquides
Tombaient de ses flancs décharnés.
Mais bientôt, de la flamme arrêtant les ravages,
La Nature en son sein l'enferme en l'étouffant.
Sa main, parant les monts des plus riches ombrages,
Étend l'azur des cieux sur son front triomphant :
De son premier regard l'aurore les salue ;
Et la mer, à leurs pieds, plus doucement émue,
Et les embrasse et les défend.
Ainsi la France, en proie aux fureurs intestines,
Aux ligues des tyrans, aux complots factieux,
S'élançant tout à coup de ses vastes ruines,
Relève, plus puissant, un front plus radieux.
Voyez-vous ce faisceau que décorent ses armes ?
C'est un peuple affranchi, jaloux des nouveaux charmes
De cette autre fille des dieux.
Elle sort du combat comme un guerrier terrible,
De sang et de sueur encor tout inondé.
Quand, vainqueur, il sourit à l'armée invincible
Qui lui doit sa victoire, et qui l'a secondé.
Accourez, nations, saluez l'immortelle !
Rendez, rendez hommage à la France nouvelle ;
Le bonheur du monde est fondé !
En vain la Trahison, la Famine et la Guerre
Ont d'une triple chaîne environné ses flancs ;
La France République est promise à la terre ;
Elle naît au milieu de leurs complots sanglans.
Autour de son berceau tout un peuple s'élance :
La Liberté le garde… Elle a levé sa lance !
Fuyez, lâches ; tremblez, tyrans.
Contre ses ennemis elle marche elle-même ;
Aux peuples étonnés elle apporte ses lois.
Effaçant sur leur front l'éclat du diadème,
Son regard menaçant épouvantait les rois ;
Mais, franchissant d'un pas une carrière immense,
Dans la Nature même elle a marqué d'avance
Et ses limites et ses droits.
Les tyrans ont pâli sur la base incertaine
Où l'orgueil éleva leur trône ensanglanté ;
Et l'homme, fatigué du long poids de sa chaîne,
S'écrie, en reprenant sa native fierté :
Le faible a donc ses droits ! Le fort a donc son juge !
Et pour les opprimés il est donc un refuge
Sous l'arbre de la Liberté !
Que dis-tu, malheureux ? Souffre et gémis encore.
Sous cet arbre sanglant habite la terreur ;
L'orage le tourmente, et le feu le dévore :
Crains de trouver la mort en cherchant le bonheur.
N'as-tu pas vu l'ormeau, battu par la tempête,
Repousser le ramier qui confiait sa tête
À cet ombrage protecteur ?
C'est ainsi qu'à Dodone une fureur divine
Du chêne prophétique agitait les rameaux,
Lorsqu'en proie à son dieu, du faîte à la racine
Il recelait la foudre en ses brûlans canaux ;
Mais souvent les éclairs, échappés de sa cime,
Frappant l'adorateur, le prêtre et la victime,
Ouvraient à ses pieds leurs tombeaux.
Ah ! Ne reprochons point à la Liberté sainte
Ces malheureux écarts, ces excès criminels.
Tout le sang, qu'ont versé l'ignorance et la crainte,
A-t-il jamais des dieux souillé les purs autels ?
Non… L'insulte du tems et les coups de l'orage,
En dévastant Paros, ont poli davantage
L'éclat de ses rocs immortels.
Mais, France, ils sont éteints ces affreux incendies,
Dans tes villes en deuil allumés trop long-tems.
De tes cieux épurés les voûtes agrandies
Doivent plus de rosée à de plus vastes champs.
C'est en vain que la Paix t'échappe en fugitive ;
La Victoire l'atteint, et la belle captive
Repose en tes bras triomphans.
Ô vous qui maniez et la harpe et la lyre
Du chantre d'Ilion et du père d'Oscar,
Du moins, n'imitez plus le coupable délire
Qui des affronts de Rome a couronné César.
Chantez, chantez encor la liberté nouvelle,
Dans sa course rapide élevant auprès d'elle
Les peuples qui suivent son char.
Mais quel dieu me transporte ? Et que viens-je d'entendre ?
La terre a retenti sous ce char triomphal !
De la Grèce et de Rome il a touché la cendre ;
L'Égypte a soulevé son rocher sépulcral :
Qui m'arrache, dit-elle, à cette nuit profonde ?
Est-ce un autre Alexandre, un conquérant du monde
Qui donne cet affreux signal ?
Non, peuples effrayés, reconnaissez la France,
Comme une autre Cérès parcourant vos déserts.
Le sceptre est dans ses mains la corne d'abondance ;
Elle éclaire le monde, elle affranchit les mers.
Esclave, elle eût vaincu pour faire des esclaves ;
Libre, elle a triomphé pour rompre vos entraves,
Et pour rajeunir l'univers !
Ainsi la Liberté prophétise ta gloire,
France ; elle accomplira ses oracles divins.
Salut, peuple nouveau ! Tu verras la Victoire
S'unir comme une amante à tes jeunes destins.
Déjà par toi la paix est conquise aux deux mondes,
Et l'antique Océan semble adoucir les ondes
Dont il embrasse les humains.
Vallons, refleurissez ; sillons, montez en gerbes !
Couvrez le sang de l'homme, et payez ses travaux.
Que le bronze oublié s'endorme sous les herbes,
Que l'Enfer assouvi referme ses tombeaux.
Mars , aux voûtes des cieux a suspendu ses armes :
Veuves, quittez le deuil, vierges, parez vos charmes ;
Fêtez le retour des héros.