Ode sur la paix signée à Lunéville en 1801

Année de composition

1801

Genre poétique

Description

Sizains

Mots-clés

Paratexte

Texte

Ennemis de la France, unissez-vous ensemble ;
Peuples confédérés que l'Empire rassemble,
Autrichiens, Hongrois, belliqueuses tribus,
Armez-vous contre nous de l'or de l'Angleterre,
Et du fer de la guerre ;
Bonaparte commande, et vous serez vaincus.

Du trône des Césars quand la chute s'apprête,
Aux progrès d'un héros, que la paix seule arrête,
Opposez les lenteurs d'un perfide congrès.
Les nœuds qu'avait formés sa bonne foi trompée.
Tranchez-les par l'épée ;
Bonaparte gouverne, et nous aurons la paix.

À travers le carnage, et dans le sang qui coule,
Sur les remparts fumants que sous ses pieds il foule,
Triomphant à regret, c'est la paix qu'il poursuit ;
Des combats où Bellone a couronné sa tête
La paix est la conquête,
Et de tant de lauriers son olive est le fruit.

Si, cherchant dans la paix une nouvelle gloire,
Sa modération a vaincu la victoire,
À la victoire même allez le demander.
Vous le direz, guerriers, que sa palme décore ;
Vous le direz encore,
Champs ! Où du sort de Vienne elle a pu décider.

Quand son arrêt n'est pas réglé par la sagesse,
Que servent les traités ? Le bruit des armes cesse ;
Mais la guerre toujours subsiste au fond des cœurs ;
Également donnée, également reçue,
La paix qu'elle a conclue
Est utile aux vaincus, honorable aux vainqueurs.

Fille de la Justice, ô Paix ! Aimable Astrée !
Sa loi de ton empire assure la durée.
Reviens, et dans nos bras ramène nos guerriers ;
Un triomphe nouveau les attend dans tes fêtes :
De plus douces conquêtes
Vont mêler sur leur front les myrtes aux lauriers.

Ces innombrables bras qu'avait armés la guerre,
Tu les rends au commerce, aux travaux de la terre :
Tu préviens nos besoins, nos goûts et nos désirs :
Le bonheur sur tes pas ramène l'abondance ;
Et tu vois, en cadence,
Danser autour de toi les jeux et les plaisirs.

Heureux de cultiver ton olive chérie,
Les talents et les arts, enfants de l'industrie,
Par de joyeux concerts célèbrent ton retour :
Nous verrons le ciseau, la palette et la lyre,
Fleurir sous ton empire ;
Leurs chefs-d'œuvre sans nombre embelliront ta Cour.

Tu rends la vie aux arts, et leur pompe à nos villes :
Plus serrée en son lit par des digues utilesQuai Desaix,
La Seine sur ses flots verra de nouveaux pontsPonts pour joindre l'île à la Cité, et l'Arsenal au Jardin des Plantes.
L'obélisque s'élève avec magnificenceColonne nationale ;
Et la reconnaissance
Des victimes de Mars éternise les noms.

Vaincus par tes travaux, les durs rochers se fendent :
Dans leurs flancs souterrains les ondes qui descendent,
Abrègent les longueurs de leurs circuits diversCanaux navigables :
Leur cours ouvre un chemin fermé par la Nature
Aux fardeaux qu'il voiture,
Et vingt fleuves rejoints rejoignent les deux mers.

L'Anglais résiste en vain, Neptune sera libre ;
Du commerce des mers maintenant l'équilibre,
Ton héros confondra tes efforts insensés.
Que du bonheur public l'ouvrage se consomme !
Veille sur ce grand homme !
Il vaille à nos destins : qu'il vive ! Et c'est assez.

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an X de la République française, ou Choix des poésies fugitives de 1801, Paris, Louis, an X, p. 1-4.