Ode sur les campagnes d'Italie

Auteur(s)

Année de composition

s.d.

Genre poétique

Description

Dizains d'octosyllabes

Mots-clés

Paratexte

Ego ante te ibo.

Texte

« J'armerai ton bras invincible ;
L'éclair marchera devant toi ;
Muet à ton aspect terrible,
L'Orient pâlira d'effroi ;
Je dissiperai les armées ;
Ma voix, des Cités alarmées,
Brisera les portes d'airain ;
Et les rayons de ton aurore
Dans les siècles iront encore
Frapper l'avenir incertain. »

Plus prompt que l'éclat du tonnerre,
De dieu Cyrus entend la voix ;
Ses pas ont mesuré la terre,
Son souffle a dévoré les rois,
Et déjà Babylone en cendre,
Et Sardes que n'a pu défendre
Le vain amas de ses trésors,
Ont vu, de leurs tours impuissantes,
Comme les feuilles jaunissantes,
L'orgueil tomber sous ses efforts.

Tel au milieu des noirs orages
A brillé cet astre éclatant,
Reste heureux sauvé des naufrages,
Héros et grand homme en naissant ;
Toulon repris, l'Anglais en fuite,
Des faits que sa valeur médite
Ne sont encor que les essais ;
Dès ses premiers pas la victoire
A dans les fastes de la gloire
Marqué ses jours par ses succès.

Alpes, séjour de la tempête,
Qui voyez la foudre à vos pieds,
Un nouvel Annibal s'apprête,
Courbez vos fronts humiliés.
Turin a vu fuir ses cohortes ;
Coni, Tortone ouvrent leurs portes ;
Victor tremble dans son palais,
Et, presque renversé du trône,
De la main qui le découronne
Reçoit et son sceptre et la paix.

Quel œil, dans sa course rapide,
Peut suivre ce jeune torrent !
Beaulieu vainement intrépide
Veut ranimer l'aigle expirant ;
En vain l'Adda de son rivage
Vomit la flamme et le ravage,
Beaulieu vaincu, mais en lion,
Veuf d'une illustre renommée,
N'offre plus qu'un chef sans armée,
Et que le débris d'un vain nom.

Et Plaisance et Modène et Parme,
Au joug s'empressent de plier ;
Naples se soumet et désarme
Le bras prêt à la foudroyer ;
Déjà la fatale Pavie
Dans son coupable sang expie
Les antiques fers de Madrid ;
Et jusques dans Rome éperdue,
D'une espérance inattendue,
L'ombre des Scipions frémit.

Wurmser que long-temps la victoire
Suivit au milieu des combats,
Nestor chargé d'ans et de gloire,
Wurmser précipite ses pas ;
Brûlant sous les glaces de l'âge,
Un moment encor son courage
Arrête les destins flottans…
À sa fortune il se dévoue,
Il cède enfin, et dans Mantoue
Vole cacher ses cheveux blancs.

Le vieux guerrier dans sa retraite,
Vaincu, mais toujours indompté,
Semble tirer de sa défaite
Une nouvelle activité.
Telle une effroyable panthère,
Que d'une flèche meurtrière
Atteint l'intrépide chasseur,
Des bois gagne la nuit obscure ;
Et dans le sang de sa blessure
Elle retrempe sa fureur.

À son secours Alvinzi vole,
Sur l'aile des autans porté…
Soudain à ses regards, d'Arcole
Le drapeau terrible a flotté :
Il fuit… ; l'éclair perce la nue ;
La foudre long-temps suspendue
De Mantoue a brisé l'orgueil,
Et de ses remparts invincibles,
Sur des marais inaccessibles,
Éclaire au loin le vaste deuil.

Ouvrons les pages de l'Histoire…
D'ambitieux triomphateurs
Des rois qu'a trahis la victoire
Parent leurs chars dévastateurs :
Le héros français plus sublime
Dans un ennemi magnanime
Sait respecter l'adversité.
Wurmser, sois fier de son suffrage,
De l'avenir il est le gage,
Saisis ton immortalité.

Tout cède à nos armes prospères :
Charles, de sa gloire d'un jour,
A vu les rayons éphémères
Pâlir, s'éteindre sans retour.
Ivre de carnage et de guerre,
César vint enchaîner la terre,
Et Buonaparte l'affranchit :
L'envie, à sa rage livrée,
Hideuse, et de feux dévorée,
Rentre dans l'éternelle nuit.

Telle on voit une ombre jalouse
Suivre les coursiers du soleil,
Lorsque des bras de son épouse
Il part à peine à son réveil ;
Mais bientôt embrasant le monde,
Dans sa course immense et féconde,
Son char a-t-il frappé les cieux ?
Ainsi que la vapeur grossière,
Sous les torrens de sa lumière
L'ombre disparaît à nos yeux.

Envoi
Au général Buonaparte

Épris de ta noble valeur,
J'osai de tes exploits essayer la peinture :
Tu ne me verras point d'une lâche imposture
Armer contre ta gloire un vers adulateur.
Pour les muses quel champ fut jamais plus fertile !
Conquérant généreux, législateur profond,
Il n'est point de laurier qui ne ceigne ton front,
Et tu serais Solon, si tu n'étais Achille.

 
 

Sources

BNF, 8 Ye 5233.