Père Hylarion, aux Français (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1795

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes

Paratexte

Parallèle des abus du couvent, avec les abus du jour

Texte

Air : Vaudeville des Visitandines

Peuple français, peuple de frères,
Souffrez que père Hylarion,
Turlupiné dans vos parterres,
Vous fasse ici sa motion ;
Il vient sans fiel et sans critique,
Et sans fanatiques desseins,
Comparer tous les capucins
Aux frères de la République.

Nous renonçons à la richesse
Par la loi de notre couvent ;
Votre code, plein de sagesse,
Vous en fait faire tout autant :
Comme dans l'ordre séraphique
Ne faut-il pas en vérité,
Faire le vœu de pauvreté
Pour vivre dans la république.

On nous défend luxe et parure ;
Et vos frères les jacobins,
Avaient la crasseuse figure
De nos plus sales capucins :
Notre chaussure est sympathique ;
Souvent sans bas et sans souliers,
On rencontre des va-nu-pieds,
Capucins de la République.

Tout comme dans nos monastères,
Vous aviez vos frères quêteurs ;
C'était vos braves commissaires
Et vos benins réquisiteurs,
Par leur douceur évangélique,
Et par leur sainte humanité,
Comme ils faisaient la charité
Aux pauvres de la République !

On nous ordonne l'abstinence
Dedans notre institut pieux ;
N'observait-on pas, dans la France,
Le jeûne le plus rigoureux ?
Dans votre carême civique
Vous surpassiez le capucin ;
En vivant d'une once de pain,
Vous jeûniez pour la République.

Par un vieux règlement d'usage
Nous faisons vœu de chasteté…
Le sacrement de mariage
Par vos frères est rejeté…
Dans cette gaillarde pratique
Qu'il est beau de voir à présent,
Pour une femme seulement,
Vingt filles de la république !

Nous avons notre discipline,
Instrument de punition ;
Vous avez votre guillotine,
Fraternelle punition :
Ce châtiment patriotique
Est bien sûr de tous ses effets ;
Il n'en faut qu'un coup pour jamais
Ne manquer à la République.

Demandant toujours des réformes,
Vous avez fait tout réformer ;
De toutes vos nouvelles formes
Quand je vous entends murmurer,
Je vous dis : Trêve de critique,
Puisque vous l'avez fait créer,
Il faut bien vous accoutumer
À supporter la République.

Rien ne vous plaît, tout vous ennuie,
Vous voulez toujours innover ;
En abhorrant la tyrannie,
Vous ne pouvez vous en passer :
Pour jouer nos capucinades,
Votre théâtre est excellent ;
Il le faudrait encore plus grand
Pour toutes vos arlequinades.

Agréez, mes chers camarades,
Le salut de l'égalité,
Et recevez mes accolades
En signe de fraternité ;
Mais respectez ma barbe antique,
Lorsque je vais vous embrasser ;
Et ne la faites point passer
Au rasoir de la République.