Pétition d'une jeune infortunée

Auteur(s)

Année de composition

1795

Genre poétique

Description

Quatrains de décasyllabes en rimes croisées

Mots-clés

Musique

Paratexte

Texte

Si la raison ramène la justice,
Mettez un terme à ma captivité.
Quel criminel souffrit pareil supplice ?
Quel innocent l'avait moins mérité ?

Mon existence est mon crime peut-être.
Ah ! Si c'est moi que l'on en doit punir,
Pour expier l'instant qui me vit naître,
Lassez-vous donc de me faire mourir !

Si le destin, qui régla ma naissance,
Sur mon état eût consulté mon choix,
J'aurais passé ma paisible existence
Sous la chaumière ou l'ombrage des bois.

Aux douces lois que la Nature impose,
J'aurais borné ma gloire et mes plaisirs,
À moins qu'un jour la couronne de roseLa couronne de la Rosière,
À dix-huit ans, n'eût tenté mes désirs.

À mes parents je serais encor chère.
Ma main peut-être aurait fermé leurs yeux.
Entre mes bras, mon respectable père
M'aurait souri dans ses derniers adieux.

Ah ! Pénétrez dans ma sombre demeure :
Le jour, la nuit, dans ce morne désert,
Mon cœur flétri souffre seul, en une heure,
Ce qu'en cinq ans tous les miens ont souffert.

Mes bourreaux même, en voyant mes alarmes,
Semblaient me plaindre et presque s'attendrir :
Mais la terreur leur défendait les larmes,
Et me fermait leur cœur prêt à s'ouvrir.

Je savais bien qu'aux princes de la terre
Le sort jaloux refusait l'amitié ;
Mais j'ignorais qu'au sein de la misère,
Il les privât même de la pitié.

Ah ! Délivrez une tendre victime,
Que la douleur va bientôt consumer.
J'irai chercher un asile, où, sans crime,
On puisse encore et me plaindre et m'aimer.

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an IV de la République française, ou Choix des poésies fugitives de 1795, Paris, Louis, an IV, p. 207-208.