Récit des travaux du Champ-de-Mars, dans la première quinzaine de juillet 1790, pour la Fédération qui a eu lieu le 14 du même mois

Année de composition

1790

Genre poétique

Description

Douzains d'octosyllabes en rimes croisées

Texte

Air : Soldats français, chantez Roland

Allons, Français, au Champ-de-Mars ;
Pour la fête fédérative,
Bravons les travaux, les hasards :
Voilà que ce grand jour arrive.
Bons citoyens, accourez tous :
Il faut creuser, il faut abattre ;
Autour de ce champ formez-vous
Un magnifique amphithéâtre ;
Et de tous états, de tous rangs,
Pour remplacer le mercenaire,
Je vois trois cents mille habitants :
La réussite est leur salaire.

Le duc, avec le porte-faix,
La charbonnière et la marquise
Concourent ensemble au succès
De cette superbe entreprise.
Nos petits-maîtres élégants,
Et vous aussi, femmes charmantes,
Avec petits pierrots galants,
Vos chapeaux, vos plumes flottantes,
On vous voit bêcher, piocher,
Traîner camions et brouettes ;
Ce travail vous peut attacher
Au point d'oublier vos toilettes.

Les abbés, auprès des soldats,
Et les moines avec les filles,
En se tenant tous par le bras,
Semblent faire mêmes familles.
Quittons pour l'instant le fusil ?
Voyez l'enfance et la vieillesse,
S'efforçant de prendre un outil
Travailler malgré sa faiblesse :
Ce fut avec la même ardeur
Que l'an passé l'on prit les armes ;
Mais grâce à tous les gens de cœur,
Nous pouvons être sans alarmes.

La marche est au son du tambour ;
Pluie ou vent n'y font point d’obstacle :
Non jamais la ville ou la cour
N'offrit un si touchant spectacle ;
Dans les éclats de leur gaîté,
Ils vont chantant la chansonnette,
La liberté, l'égalité,
Nos députés et La Fayette.
Tous les villageois, nos voisins,
Abandonnent le soin des terres,
Et viennent par tous les chemins
Aider leurs amis et leurs frères.

L'aristocrate frémira ;
Qu'il vienne nous troubler, s'il ose !
À ses dépens, il apprendra
Qu'un peuple libre est quelque chose.
Quand il entendra le serment
De tout un peuple et son monarque,
Sur son front pâle en ce moment
De l'effroi l'on verra la marque.
Pourquoi trembler ? Ah ? Calme-toi ;
Viens servir avec assurance,
La Nation, la Loi, le Roi,
Ou bien abandonne la France.

Patrie, élevons ton autel
Sur les pierres de la Bastille,
Comme un monument éternel
Où le bonheur des Français brille.
Venez de tous les lieux divers,
Que renferme ce grand empire,
Donner aux yeux de l'univers
L'exemple à tout ce qui respire !
Que par la paix et l'union
Tout peuple étranger soit un frère,
Et que la fédération
S'étende par toute la terre !