Réclamation de la main gauche, adressée à la main droite
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Mots-clés
Musique
Paratexte
Texte
Air : Pour vous je vais me décider
La Nature, sage en ses lois,
Nous forma pour agir ensemble ;
Comme vous n'ai-je pas cinq doigts ?
Sur tous les points je vous ressemble.
Moins active que vous, ma sœur,
J'ai peut-être un peu moins de grâce ;
Mais je vous égale en blancheur,
En finesse je vous surpasse.
Reçoit-on un billet bien doux,
Et sans se voir veut-on s'entendre ?
Il faut y répondre, et c'est vous
Que l'on charge d'un soin si tendre.
Que l'on soit réconcilié,
Et qu'à l'ami, l'ami pardonne,
Soudain, en gage d'amitié,
C'est la main droite qu'on se donne.
« Secourez-vous le genre humain ?
Que toujours la main gauche ignore
Ce qu'aura donné l'autre main » ;
(A dit un sage que j'honore).
En cela, je cède à mon sort ;
Mais ma plus cruelle souffrance,
C'est que vous m'enleviez encor
Jusqu'aux actes de bienfaisance.
Aux jeux d'adresse, quelquefois,
Vous vous exercez avec grâce ;
Une fleur se peint sous vos doigts,
Sous vos doigts, l'aiguille la trace.
Vous cultivez mille talents
Que l'on se plut à me défendre ;
Vous savez tout… et nos parents
Ne m'ont jamais rien fait apprendre.
Je suis gauche ; et, de bonne foi,
Suis-je, en naissant plus mal adroite ?
Vous priserait-on plus que moi,
Si vous n'aviez pas pris la droite ?
Chacune a son poste arrêté,
Voilà toute la différence ;
Ayant le cœur de mon côté,
Je dois emporter la balance.
Je suis bonne, et quand vous souffrez,
De grand cœur je fais votre ouvrage ;
D'abord mal, et puis par degrés
Je m'habitue et m'encourage.
Sur moi, vous le savez, ma sœur,
Sans cesse l'on jase et l'on glose ;
Qu'importe, si dans le malheur,
On sent que je vaux quelque chose.