Regrets d'un Sybarite

Auteur(s)

Année de composition

1789

Genre poétique

Description

Mots-clés

Paratexte

Texte

Temps heureux où régnaient Louis et Pompadour !
Temps heureux où chacun ne s'occupait en France
Que de vers, de romans, de musique, de danse,
Des prodiges des arts, des douceurs de l'amour !
Le seul soin qu'on connût était celui de plaire :
On dormait deux la nuit, on riait tout le jour ;
Varier ses plaisirs était l'unique affaire ;
À midi, dès qu'on s'éveillait,
Pour nouvelle on se demandait,
Quel enfant de Thalie ou bien de Melpomène,
D'un chef-d'œuvre nouveau devait orner la scène ;
Quel tableau paraîtrait cette année au Salon ;
Quel marbre s'animait sous l'art de Bouchardon ;
Ou quelle fille de Cythère,
Astre encore inconnu levé sur l'horizon,
Commençait du plaisir l'attrayante carrière.
On courait applaudir Dumesnil ou Clairon,
Profiter des leçons que nous donnait Voltaire,
Voir peindre la nature à grands traits par Buffon.
Du profond Diderot l'éloquence hardie,
Traçait le vaste plan de l'Encyclopédie.
Montesquieu nous donnait l'esprit de chaque loi ;
Nos savants mesurant la terre et ses planètes,
Éclairant, calculant le retour des comètes,
Des peuples Ignorants calmaient le vain effroi.
La renommée alors annonçait nos conquêtes ;
Les Dames couronnaient au milieu de nos fêtes,
Les vainqueurs de Lawfeld et ceux de Fontenoi.
Sur le vaisseau public les passagers tranquilles,
Coulaient leurs jours gaîment dans un heureux repos,
Et sans se tourmenter de soucis inutiles,
Sans interroger l'air, et les vents, et les flots,
Sans vouloir diriger la flotte,
Ils laissaient la manœuvre aux mains des matelots,
Et le gouvernail au pilote.

 
 

Sources

Almanach des Muses de 1790, ou Choix des poésies fugitives de 1789, Paris, Delalain, 1790, p. 83-84.