Regrets sur la destruction des couvents
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Siècle de douleur et de crise !
Siècle de réprouvés, où malgré Trente et Pise
Où malgré nos pieux efforts,
J'aurai vu piller les trésors
De notre mère sainte Église !
Hélas donc ! Adieu je vous dis,
Palais qu'on nommait monastères !
Adieu, mes bons révérends pères,
Abbés, prieurs, moines blancs, moines gris !
Adieu tous mes plus chers amis,
Enfants du ciel et de la joie,
Et dont les rentes sont la proie
Des municipes mal appris !
Hélas ! Des plus fameuses côtes
Nous ne boirons plus les bons vins.
Plus de soupers à la salle des hôtes,
Et plus de plaisirs clandestins.
Vous souvient-il de nos douces folies,
Lorsque, les novices couchés,
Et que tous les valets chassés,
La nièce du prieur et trois de ses amies,
D'un minois fripon et joli,
Nous tenaient tête au reversi,
Au pharaon, à la bouillotte,
Ou bien à d'autres jeux plus doux ?
Hélas ! Vous en souvenez-vous ?
Le lendemain, quand d'une âme dévote,
Vous alliez de trop bon matin,
Pour remercier Dieu, marmoter des prières
Dans un assez mauvais latin,
Qu'entre nous vous n'entendiez guère,
J'allais voir ces dames au lit ;
De leur fatigue et de leur nuit
Je leur demandais des nouvelles.
Et puis vous reveniez, et puis le chocolat ;
Il était, s'entend, pour les belles ;
Pour nous, bon vin, jambon ou cervelas.
Ô brave troupeau d'Épicure !
Suppôts de la sainte Sion !
Depuis votre mésaventure,
Tout n'est pour moi qu'affliction.
Que vont devenir les familles
Dont vous étiez restaurateurs ?
Les dévotes, les vieilles filles
Dont vous étiez les directeurs ?
Et cette troupe parasite,
Buveurs ou joueurs de brelan,
Qui venait vous faire visite
À tout le moins une fois l'an ?
Et l'escadron de femelles jolies,
Escorté de galants héros,
Qui galopaient à travers nos prairies,
Des monastères aux châteaux
Et des châteaux aux abbayes ?
Ô le bon temps du régime ancien !
Bon temps de l'aristocratie,
Où l'un menait joyeuse vie,
Le tout sans qu'il en coûtât rien !
Le peuple, il est bien vrai, se plaignait de la taille,
Des dîmes, des commis ; ma foi ! Vaille que vaille,
On vous daubait sur la canaille ;
Mais l'honnête homme vivait bien.
Et vous surtout, je vous regrette,
Doux asiles de la pudeur,
Et des épouses du Seigneur,
Gentille chanoinesse, et toi, blanche nonnette,
D'un vif et tranquille bonheur
Vous saviez enivrer nos âmes,
En mêlant aux célestes flammes
Quelque peu de mondaine ardeur.
Je regrette l'habit de chœur,
Et du fin voile et de la guimpe
L'effet si piquant et si doux,
Et vos grilles et vos verrous,
Et les hauts murs qu'il faut qu'un amant grimpe
Lors d'un périlleux rendez-vous.
Quel charme, irritantes barrières,
On éprouvait à vous franchir !
Et que l'on trouvait de plaisir
À l'air revêche des tourières !
Ô mes sœurs ! Maudit soit le jour
Où l'on rompit votre clôture !
On ne vous rend à la nature,
Qu'en vous enlevant à l'amour.