Retour de la pudeur (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1795

Genre poétique

Description

Octosyllabes

Mots-clés

Paratexte

Vaudeville républicain

Texte

Cette pudeur naïve et pure,
Que vont esquisser mes pinceaux,
N'est point un don de la Nature
Commun à tous les animaux.
Le sauvage qu'elle délaisse
Ignore son utilité ;
C'est chez l'homme en société
Qu'elle est l'instinct de la sagesse.
Tendres mères, dans vos familles,
Prenez soin de la propager.
C'est sur le front des jeunes filles,
Que la pudeur aime à siéger ;
C'est vainement qu'elles sont belles,
Si la pudeur n'est à leur teint,
Ce que l'aurore est au matin,
Et le printemps aux fleurs nouvelles.

Et vous, pères, soyez modestes !
Craignez d'offenser, en tout temps,
Par vos propos et par vos gestes,
L'oreille et l'œil de vos enfants.
La nuit, aux époux favorable,
Est comme la pudeur du jour,
Et doit aux secrets de l'amour,
Prêter un voile impénétrable.
À tes cheveux joins une rose,
Pudeur, et mets tes habits blancs :
Pour plaider toi-même ta cause,
Parcours tous nos départements ;
Tu n'y trouveras plus, ma chère,
Ni ces abbés, ni ces prieurs,
Ni ces traitants, ni ces seigneurs,
Qui te faisaient, en paix la guerre.

Les citoyens, sur ton passage,
Joncheront la terre de fleurs,
Et te rendront un juste hommage
Dans le temple des bonnes mœurs.
Tu maintiendras, entre tes chaînes,
Nos Phidias et nos Zeuxis ;
Et nos poètes, plus rassis,
Déchireront leurs vers obscènes.

Et l'on verra jusqu'à ces femmes…
Qui conspiraient pour t'immoler,
Du fonds de leurs antres infâmes,
Avec respect te contempler…
Puissent alors, puissent tes charmes,
Sur leurs cœurs tellement agir,
Qu'elles rapprennent à rougir…
Et baignent tes pieds de leurs larmes !

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an IV de la République française, ou Choix des poésies fugitives de 1795, Paris, Louis, an IV, p. 105-106.