Stances en vers libres, adressées au Premier Consul Bonaparte, vainqueur, législateur, pacificateur, à l'ocasion de la paix générale

Année de composition

1801

Genre poétique

Description

Quatrains en rimes croisées

Paratexte

Si titulos annos que tuos numerare velimus,
Facta prement annos
.
Ovide

Texte

Descends des cieux, aimable paix,
Viens enchaîner le démon de la guerre ;
Par la douceur de tes bienfaits,
Fixe le bonheur sur la terre.

Depuis long-temps, de carnage fumantes,
Les plaines s'abreuvoient du sang des nations ;
Des ennemis vaincus les armes impuissantes
Cèdent à la valeur de nos fiers bataillons.

Qu'à leurs brillants lauriers ton attrayante olive,
Unisse ses divins rameaux,
Et l'allégresse fugitive
Reviendra sur tes pas embellir nos hameaux.

Que vomissant la mort, qu'affronte la vaillance,
L'airain ne tonne plus du haut de nos remparts ;
Mais que sa voix bruyante, annonçant ta présence,
Console nos enfants, nos femmes, nos vieillards.

Que le fer qu'aiguisoit la main de la vangeance[sic],
À l'Europe cessant d'inspirer la terreur,
Devienne l'instrument de la riche abondance,
Dans les mains du cultivateur.

Toi qui vis tes enfants, appellés par Bellone,
Voler pour te deffendre à des périls affreux ;
Couronnés des lauriers que la victoire donne,
Mère tendre, la paix va les rendre à tes vœux.

Cesse de regretter l'apui[sic] de ta vieillesse ?
Arraché de tes bras par la noble valeur,
Ah ! Bon père, à tes pieds tu vas voir sa tendresse,
Déposer son sabre d'honneur.

Mais ! Quelle main vient essuyer tes larmes ?
Tressaille, jeune cœur… C'est ton fidèle amant !
Ah ! Combien le mirte a de charmes,
Présenté par la main d'un guerrier triomphant.

Aux exploits du héros dont l'audace intrépide
A triomphé dans sa marche rapide,
Des hommes et des élémens,
Douce paix nous devons ton retour dans nos champs.

Deux fois déjà, moins jaloux de sa gloire,
Qu'avare du sang des François ; 
On l'a vu s'arrestant au sein de la victoire
À l'ennemi dompté lui-même offrir la paix.

Sur l'honneur, la vertu fondant sa politique,
Solon dans les conseils, Alexandre aux combats,
Toujours également il sert la République
Et de sa teste et de son bras.

Cette isle qu'au croissant, arrivant du Bosphore
Soliman a voulu soumettre, mais en vain ;
N'a résisté qu'un jour au vainqueur que décore
Les lauriers de Lodi, du Danube et du Rhin.

Le Nil a vu sur son rivage
Conduits par ce guerrier de nobles assaillants,
Rompre les fers de l'esclavage
Et du Copte opprimé terrasser les tirans.

Du favori de Mars la redoutable épée
Chasser les mameluks, briser leurs boulevards ;
Sur la colonne de Pompée
La Liberté planter ses étendarts.

Mais, ô honte ! Ô douleur ! Déplorable patrie !
Des Sylla dans ton sein renaissoient les forfaits !
Échappés des enfers, dans leur noire furie,
Ces monstres ont changé nos lauriers en cyprès !

Vers l'Orient soudain l'active renommée
A publié tes malheurs, tes revers ;
Pour venir au secours de la France allarmée
Bonaparte a franchi les mers.

Il paroît, aussitôt il désarme le crime ;
Il vole en Italie, il en revient vainqueur.
La foible humanité, depuis long-temps victime
Reconnoît son libérateur.

Ô toi ! Sous tes drapeaux qui fixe la victoire,
Dont le front s'est couvert des rayons de la gloire,
Ô toi ! Dont le génie anime tes soldats,
Dont l'exemple leur fait mépriser le trépas,

La simple vérité seule a droit de te plaire ;
Écoute les accens qu'elle-même a dictés,
Par tous les bons François à l'envi répétés ;
Mais pour chanter Achile[sic] il faut être un Homère.

Depuis dix ans nos malheureux climats
Sont le théâtre affreux des plus sanglants combats ;
Par de si longs revers l'Europe consternée
Voit enfin par tes mains la discorde enchaînée.

Tu veux dans tes bras triomphants
Fatigué de ta gloire, étouffer ses serpens ;
Et du fier léopard réprimant la furie
Le soumettre à ton joug et vanger[sic] ta patrie.

Dans nos murs rappellés les arts et les talens
Nobles compagnons de ta gloire,
À tes vertus au temple de mémoire
Élèveront d'éternels monuments.

Les peuples consolés vont tous d'intelligence
Ériger des autels à la reconnoissance.
Et les marbres diront, à nos derniers neveux ;
Il sçut se battre, vaincre, et faire des heureux.

 
 

Sources

AN, F17 1021B, Dossier 9.