Stances sur la mort des généraux Kléber et Desaix
Auteur(s)
Texte
De Kléber, de Desaix, héros de ma patrie,
Un destin trop funeste a terminé les jours,
Et la parque inhumaine a, dans sa barbarie,
De leurs rares exploits interrompu le cours.
L'un, sur les bords du Nil, environné de gloire,
Gémissait en secret sur le sort des combats,
Quand un vil assassin, d'exécrable mémoire,
Lui plongea dans le cœur un large coutelas.
L'autre passe les mers, et reparaît en France,
En modeste guerrier, tel qu'il parut avant,
Sans luxe, sans éclat et sans magnificence.
De son propre mérite il était assez grand.
Aux champs de Marengo la victoire l'appelle :
À sa voix le héros vole de rang en rang ;
Déjà pendant cinq fois le Français, fuit, chancele…
Il fuit… Desaix paraît, Desaix est triomphant.
Mais, ô revers fatal ! Quand tout couvert de gloire,
À l'ombre des lauriers triomphant et vainqueurs,
Desaix, de tous côtés, sait fixer la victoire,
Un homicide plomb l'étend au lit d'honneur.
Ô Kléber ! Ô Desaix ! Honorables victimes !
Vous succombez, hélas, trop généreux guerriers !
Tous deux rivaux de gloire, illustres, magnanimes !
Aujourd'hui les cyprès ombragent vos lauriers.
Voilà donc de tes coups ! Sort injuste et barbare !
Tu ravis à la fois deux mortels vertueux ;
Et, semblables aux volcans des gouffres du Ténare,
Tu détruis sans pitié le sang le plus fameux.
Non… En dépit de toi, de ta cruelle rage,
Leurs noms chéris iront à la postérité.
Leurs travaux, leurs exploits, en passant d'âge en âge,
Leur sont un sûr garant de l'immortalité.