Stances sur l'Amitié

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Mots-clés

Paratexte

Pièce annoncée avec éloge par les citoyens juges, comme la meilleure en ce genre qui eût été produite au concours & à laquelle ils n'ont cependant accordé que les honneurs publics de la lecture, ayant jugé à propos de réserver le prix pour l'année prochaine

Texte

Don précieux du Ciel ! Amitié tendre & pure,
Daigne exaucer mes vœux, viens régner sur mon cœur ;
Toi seule, en t'épanchant, au sein de la Nature
Fais trouver le bonheur.

Nul mortel n'est exclus de ta noble carrière ;
L'opulent & le pauvre ont part à tes bienfaits ;
Et du toit somptueux jusqu'à l'humble chaumière,
Tout ressent tes attraits.

L'amitié, de deux cœurs, ne fait qu'une même âme ;
Tout entr'eux se confond… Un doux enchantement,
Produit par la vertu, les unit, les enflamme
Du plus pur sentiment.

Paroissez sur la scène, ô vous, d'un sort funeste
Admirables rivaux, amis si généreux !
L'un de vous doit périr… En vain on cherche Oreste,
Vous vous offrez tous deux.

Des dons de la Fortune avez-vous l'avantage ?
L'ami goûte avec vous le fruit de ces faveurs ;
Il double à votre égard, par un heureux partage,
La joie & ses douceurs.

Il n'est point de secret pour l'amitié fidelle,
Le secret pour son cœur seroit injurieux ;
Elle a droit de tout dire… Et souvent, dans son zèle,
De combattre vos vœux.

Pénétrez en ces lieux, pleins d'horreur & d'allarmes,
Où l'innocent gémit sous le poids de ses fers ;
Vous verrez l'amitié pleurer… et par ses larmes
Adoucir ses revers.

Ici, c'est une mère & sa triste famille,
Que le besoin tourmente, & qu'abbat la douleur ;
Un tendre ami paroît… Sur leur front déjà brille
Le rayon du bonheur.

Là c'est un fils sensible, une épouse éplorée,
Qui regrettent un père, un époux au tombeau ;
L'amitié vient en pleurs, consolante, empressée
Soulager leur fardeau.

Bienfaisante amitié, doux charme de la vie !
Qui pourroit peindre ici tes fruits délicieux ?
Tes plaisirs sont si purs, qu'en toi l'âme ravie
Croit planer dans les cieux.

Même après le trépas, tu survis dans notre âme ;
Toujours nous chérissons celui qui fut aimé !…
Le cœur de ses chagrins se repaît… Et s'enflamme
Pour l'objet regretté.

Viens donc, fille du Ciel ! De ta charmante chaîne
Unir plus que jamais les mortels attendris ;
Que tous forment un peuple, en dépit de la haine,
De frères & d'amis.

 
 

Sources

AN, F17 1010D.