Stances à un ami persécuté sous le règne de la Terreur
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Texte
En vain la calomnie et sa jalouse rage
De traits multipliés menacent ton courage,
Mon ami, ta vertu ne doit point s'ébranler.
Qu'importe qu'un Crassus, vil fardeau de la terre,
Te propose la paix, te déclare la guerre ?
C'est à toi d'être calme, à lui seul de trembler.
À sa patrie ingrate, un citoyen fidèle
En doit-il moins son cœur, ses talents et son zèle ?
Tranquille, il se confie en sa propre vertu.
Sourd aux cris des méchants, il fait la guerre au vice ;
Et s'il voit contre lui triompher l'injustice,
Il en est indigné, mais non pas abattu.
À Rome un Scipion, un Aristide en Grèce,
Accusés, condamnés pour leur haute sagesse,
Furent bannis du sol qu'ils avaient conservé.
Mais bientôt la patrie, en proie à mille orages,
Dans ses murs désolée rappelle ces deux sages ;
Ils entendent sa voix, et l'État est sauvé.
Du public équitable, un jour, l'arrêt sévère
Frappera ces faux dieux qu'aujourd'hui l'on révère,
Ces dieux pétris de fange, et d'orgueil et de fiel.
Alors dans le néant rentreront ces fantômes
De larmes abreuvés, nourris du sang des hommes ;
Et nos chants de bonheur monteront vers le ciel.