Stoïcisme (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes

Paratexte

Vaudeville républicain

Texte

Air : Vaudeville des Visitandines

Reconnais un Être suprême,
Agent caché de l'univers ;
Sers la vertu pour elle-même ;
Venge-la de tous les pervers.
Quand tu fais du bien, qu'on l'ignore ;
Dès aujourd'hui sois juste, humain ;
Et dispose-toi pour demain
À l'être trois fois plus encore.

Fuis le plaisir toujours frivole,
Suis les mœurs toujours de saison ;
Crois que la fleur d'esprit s'envole ;
Meurs dans les fruits de la raison.
Au théâtre, on peut aller rire ;
Au portique, on peut disserter :
Mais écoute pour profiter,
Et ne parle que pour t'instruire.

Le bien public, au mariage,
Devant te provoquer un jour,
N'imagine pas que le sage
Puisse être insensible à l'amour.
À cette passion permise,
S'il tenait son cœur trop fermé,
Le sexe ne serait aimé
Que du vice et de la sottise.

S'il se présente un misérable,
Quelque puisse être son état,
Sans délai, secours ton semblable
Au risque d'en faire un ingrat.
S'il en vient d'autres, à mesure,
De recommencer sois jaloux ;
Répandre ses bienfaits sur tous,
C'est ressembler à la Nature.

Quand tu t'habilles, quand tu manges,
Braver le luxe est ton devoir ;
Il faut mériter des louanges,
Et ne jamais en recevoir :
Si quelque douleur te harcèle,
Philosophe, tu dois souffrir ;
Patriote, tu dois mourir,
Dès que la liberté chancelle.

Je sais que la vertu stoïque,
Pour bien des gens, a peu d'appas :
Mais à son austère pratique,
Pourquoi ne nous ferions-nous pas ?
Les écoles républicaines
N'ont jamais changé que de nom ;
Et les disciples de Zénon
Étaient les jacobins d'Athènes.

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an III de la République, ou Choix des poésies fugitives de 1794, Paris, Louis, an III, p. 99-100.