Têtes à perruque (Les)

Auteur(s)

Année de composition

s.d.

Genre poétique

Description

Octosyllabes

Texte

De ce bon abbé de Saint-Pierre
Chaque projet fut très vanté ;
On en sentait l'utilité,
Mais le public n'y gagna guère ;
Aucun ne fut exécuté.
Plus citoyen que canoniste,
Partout, dans toute occasion,
Comme un point de religion,
Il allait, charmant moraliste,
Prêchant la population.
Dans le plan de l'Être suprême,
Robin, militaire, prélat,
Moine ou prieur, chef ou soldat,
Tout homme, c'était son système,
De la houlette au diadème,
Et du froc au pontificat,
Devait avec un zèle extrême
Donner des enfants à l'État.
Aussi le bon abbé lui-même
Prêchait d'exemple… il en donnait.
Pour cette œuvre, il se choisissait
Gouvernante jeune et jolie :
En homme de bon sens, c'était
Faire le bien de sa patrie,
Et répandre encor sur sa vie
Du plaisir le doux intérêt.
Ses enfants, il les élevait :
Et chacun d'eux, à certain âge,
(Le choix paraîtra singulier)
Constamment chez un perruquier
Était mis en apprentissage.
« Par raison, plus que par ménage,
Je leur donne à tous ce métier »,
Disait plaisamment notre sage.
« Dans vingt autres bons ou mauvais,
Souvent la pratique est peu sûre ;
L'œuvre à l'ouvrier manque ; mais
Têtes à perruques jamais
Ne manqueront, je vous le jure ».

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an VII de la République française, ou Choix de poésies fugitives de 1798, Paris, Louis, an VII, p. 66-67.