Vers à l'occasion d'un arbre de la Liberté planté dans la section de la République
Auteur(s)
Texte
Peuple, dont la main m'a planté
Pour être de tes droits l'éternel témoignage,
Les tyrans verront croître et fleurir d'âge en âge
Mon feuillage et ta liberté.
Quand mon front orgueilleux, vainqueur de la tempête,
Bruni par cent hivers, surmontera le faîte
De tes toits les plus fastueux,
Je te verrai des peuples le modèle.
Ils sauront, comme toi, libres et vertueux,
Chérir l'Égalité, vaincre ou mourir pour elle ;
Et de leurs potentats brisant le joug honteux,
Proscrire, exterminer cette race cruelle.
Ah ! D'un destin si beau n'interromps pas le cours :
Français, donne à ta gloire un fondement durable.
Du féroce Houland la hache impitoyable
Viendrait, dans leur printems, trancher bientôt mes jours,
Si, défenseur glacé d'une cause si belle,
Rebelle à la Nature, à son culte infidelle,
Stérile admirateur des Tells et des Brutus,
Tu ne pratiquais pas leurs antiques vertus.
Peuple, étouffe en ton sein les passions haineuses :
Rassemble autour de moi cent familles heureuses ;
D'amour et d'amitié qu'elles serrent les nœuds :
Aux pieds de l'Éternel je porterai leurs vœux.
Enfans, sous mon abri, donnez libre carrière
À vos jeux innocens : je les protégerai.
Sur mon bois, faible encor, bientôt je recevrai
De vos aimables dons l'offrande printannière.
Mais, enfant comme vous, aussi je grandirai.
Alors, pères, enfans, tous je vous couvrirai ;
À tous je prêterai mon ombre hospitalière ;
Et loin dans l'avenir, lorsque mon tronc noueux
Ne pourra plus puiser la sève nourricière,
Je dirai votre gloire encore à vos neveux.