Vœux d'un homme libre, adressés aux représentans de la nation française

Auteur(s)

Année de composition

1789

Genre poétique

Description

Texte

Hardis libérateurs de la France asservie,
Bénis soyez-vous mille fois !
Courage !… Que la tyrannie
Frémisse aux fiers accens de votre auguste voix !
Brisez ses pieds d'airain, brisez sa tête impie,
Et, pour mieux affermir le trône de nos rois,
Prenez le sceptre du Génie ;
Consultez votre cœur, dictez de sages lois,
Tirez-nous de la barbarie ;
Et que, de la Justice & du Bonheur suivie,
La sainte Humanité rentre enfin dans ses droits !

Que le fils obscur d'un infâme,
S'il vit en sage sous nos yeux,
Reçoive, à la face des cieux,
Les honneurs dus à sa belle âme !
Que les fils de ces demi-dieux,
La gloire & l'amour de la Terre,
S'ils ne la servent pas comme eux,
Soient égaux à l'homme vulgaire !
La devroient-ils à mille ayeux,
Leur noblesse est une chimère.
Que l'homme utile & vertueux
Soit le seul noble sur la terre !

Que ces prélats si fastueux,
Dont les biens sacrés sont les nôtres,
Noblles successeurs des apôtres,
Soient forcés de vivre comme eux !
Qu'un vieux prêtre, idôle de Rome,
Ne boive plus l'or des Français !
Si le Saint-Père est un saint homme,
Qu'a-t-il besoin de nos bienfaits ?

Ne servez plus la tyrannie,
Guerriers français, braves guerriers,
Soldats, défendez la patrie ;
Citoyens, gardez vos foyers.

Gardons tous notre auguste père ;
Ses regards nous rendront heureux.
Méchants, redoutez sa colère…
À sa voix puissante, à ses yeux,
Tombez, inégale balance,
Toujours favorable aux pervers,
Que le juge porte les fers,
Dont il a chargé l'innocence !

Que son généreux défenseur,
Recevant notre juste hommage,
Chez un peuple humain, libre & sage,
Trouve la gloire & le bonheur[1] !

Que l'enfant, la frêle espérance
D'un heureux & proche avenir,
Sous les lois d'un sage commence
En jouant à le devenir.

Loin de lui le barbare maître,
Qui fait de l'étude un tourment ;
Dans l'âge tendre, elle doit être
Un noble & doux amusement.

Que le livre de la Nature
Soit ton seul livre, aimable enfant !
Et la vérité simple & pure
Charmera ton esprit naissant.

La vérité nue est si belle !
Elle est si puissante sur nous !
Parlez, respectable immortelle ;
Maîtres absurdes, taisez-vous ;
Taisez-vous, ou parlez comme elle.
De notre liberté sages restaurateurs,
Vous, dont l'Europe entière admire la prudence,
Vous, nos rois, nos dieux, nos vengeurs,
Déployez votre utile & divine éloquence.
Elle subjuguera l'indomptable licence ;
Elle calmera les fureurs
Et du crime & de la vengeance ;
Elle rassurera la timide innocence ;
Elle enchaînera tous les cœurs,
Vaincus par la reconnoissance.
Éloquence, vertu, savoir,
Quelle n'est pas votre puissance !
Unis, vous pouvez tout. Sages, daignez vouloir,
Et bientôt vous verrez la France
Fière à jamais de vous devoir
L'honneur, la vie & l'abondance.

  1. ^ Que Vieillard de Boismartin, s'arrachant des bras d'une épouse & de cinq enfans, pour voler au secours de cinq innocens, opprimés par l'aristocratie judiciaire & après trois années de sacrifices, faisant casser l'arrêt absurde qui suppose les Verdures coupables d'un crime qu'ils n'ont ni commis ni pu commettre ; que cet homme qui honore si fort l'humanité, reçoive des mains de la nation la couronne civique ! Il la mérite
 
 

Sources

BNF, 8 Ye 5563.