Voûtes du Panthéon…
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Texte
Voûtes du Panthéon, quel mort illustre et rare
S'ouvre vos dômes glorieux ?
Pourquoi vois-je David qui larmoie, et prépare
Sa palette qui fait des dieux ?
Ô ciel ! Faut-il le croire ! Ô destins ! Ô fortune !
Ô cercueil arrosé de pleurs !
Oh ! Que ne puis-je ouïr Barère à la tribune,
Gros de pathos et de douleurs !
Quelle nouvelle en France et quel canon d'alarmes
Dans tous les cœurs a retenti !
Les fils des Jacobins leur adressent des larmes.
Brissot, qui jamais n'a menti,
Dit avoir vu dans l'air d'exhalaisons impures
Un noir nuage tournoyer,
Du sang, et de la fange, et toutes les ordures
Dont se forme un épais bourbier ;
Et soutient que c'était la sale et vilaine âme
Par qui Marat avait vécu.
De ses jours florissants, par la main d'une femme,
Ce lien aimable est rompu !
Le Calvados en rit. Mais la potence pleure.
Déjà par un fer meurtrier
Pelletier fut placé dans l'auguste demeure.
Marat vaut mieux que Pelletier.
Nul n'aima tant le sang, n'eut soif de tant de crimes.
Qu'on parle d'un vil scélérat,
Bien que Lacroix, Bourdon, soient des mortels sublimes,
Nous ne pensons tous qu'à Marat.
Il était né de droit vassal de la potence.
Il était son plus cher trésor.
Console-toi, gibet. Tu sauveras la France.
Pour tes bras la Montagne encor
Nourrit bien des héros dans ses nobles repaires :
Le Gendre, élève de Caton,
Le grand Collot d'Herbois, fier patron des galères,
Plus d'un Robespierre, et Danton,
Thuriot, et Chabot ; enfin toute la bande ;
Et club, commune, tribunal ;
Mais qui peut les compter ? Je te les recommande.
Tu feras l'appel nominal.
Pour chanter à ces saints de dignes litanies,
L'un demande Anacharsis Clotz ;
L'autre veut Cabanis, ou d'autres grands génies ;
Et qui Grouvelle, et qui Laclos.
Mais non ; nous entendrons ces oraisons funèbres
De la bouche du bon Garat ;
Puis tu les enverras tous au fond des ténèbres
Lécher le cul du bon Marat.
Que la tombe sur vous, sur vos reliques chères,
Soit légère, ô mortels sacrés ;
Pour qu'avec moins d'effort, par les dogues vos frères,
Vos cadavres soient déchirés.
Sources
CHÉNIER André, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1950, p. 187-189.