Goddam !
Mots-clés
Paratexte
Poème en quatre chants écrit par un French-dog
Table des matières
Prologue
Chant premier
Chant deuxième
Chant troisième
Chant quatrième
Texte
Pour une orange
L'Angleterre entière est debout.
Je plains cette imprudence étrange.
Peut–on faire ainsi son va-tout
Pour une orange.
La fleur d'orange
Vous plaît trop, messieurs les Anglais,
Le plus froid cerveau se dérange,
Quand on respire avec excès
La fleur d'orange.
Le jus d'orange
Pour vos estomacs n'est pas bon.
Vous l'altérez par le mélange ;
Et le porter change en poison
Le jus d'orange.
Dans une orange
Les sorciers lisent l'avenir :
Un devin des rives du Gange
Vous a vu décroître et finir
Dans une orange.
D'autres oranges
Aux maltaises succéderont :
Bientôt nos guerrières phalanges,
Sans les compter, vous enverront
D'autres oranges.
Je vais chanter… Non, messieurs, je me trompe ;
Ce vieux début a pour moi trop de pompe ;
Je vais siffler, sur un air de Haendel,
Quelques héros de l'antique Angleterre,
Leur souverain, son audace guerrière,
Et de ses fils le laurier immortel.
Approchez donc, déesse de mémoire,
Vous en manquez souvent et de l'histoire
En maint endroit le texte est effacé ;
Mais le présent nous dira le passé.
Vous qui savez qu'un long sommeil paisible
Rend à l'amour une heureuse vigueur ;
Et qu'au réveil l'époux le moins sensible
Des doux désirs retrouve la chaleur,
Plaignez Harold, surtout plaignez Gizène.
Ouvrant les yeux, ce roi dit à sa reine :
« Goddam ! » Tout bas la reine dit au roi :
« Pourquoi jurer ? Il vaudrait mieux… Pourquoi ?
C'est qu'en jurant la bile s'évapore.
– Vous en avez ? – Beaucoup ; j'ai mal dormi.
– Et moi trop bien : il fallait, mon ami…
– Guerre aux Français ! Guerre mortelle ! – Encore.
Et les traités ? – Nous les avons rompus.
– Déjà ? – Trop tard. – À peine ils sont conclus
On va d'impôts écraser le royaume.
– John Bull[1] paiera. – Que nous ont fait Guillaume
Et ses Normands ? – Ne sont-ils pas Français ?
– Et nous, monsieur, nous sommes trop Anglais ;
Au loin notre or va soudoyer les crimes,
Les vils complots et la rébellion ;
Nos alliés deviennent nos victimes ;
Rien n'est sacré pour notre ambition ...
– Je veux les mers ; je les veux sans partage.
– Vous battrez-vous ? – Fi donc ! J'ai du courage,
Mais je suis roi : je compte sur mes fils.
Ils laisseront la taverne et la chasse ;
Et je prendrai si j'en crois leur audace,
Bordeaux, Dijon, Rheims, et même Paris.
– Tâchons plutôt de rester où nous sommes.
Guillaume est jeune, intrépide. – II ne peut
Franchir nos mers. – Il peut tout ce qu'il veut.
– J'en conviendrai, ces Français sont des hommes
Expéditifs ; point de moments perdus.
– Vous étiez homme aussi. – N'en parlons plus. »
Après ces mots qu'en baillant il achève,
Le grand Harold pompeusement se lève,
Signe trois bills, rit avec ses valets,
Et d'une chasse ordonne les apprêts.
Mais Inepton, son chancelier fidèle,
Triste, s'avance. « Eh bien, quelle nouvelle ?
Lui dit le roi. – Sire, un conseil secret
Est convoqué. – Qu'il attende ; je chasse.
– Il est urgent ; Guillaume vous menace,
Et d'une attaque il montre le projet ;
Ses ports sont pleins. – Quel excès d'insolence !
Vite au Conseil exterminons la France. »
Pâle de peur, et de jactance enflé,
L'aréopage est déjà rassemblé.
Environnés de nuages humides,
Sur lui planaient les Gnomes et Gnomides
Dont il chérit le pouvoir protecteur,
L'adroit Robbing[2], Cheat[3] sa fidèle sœur,
L'insolent Pride[4] et Flight[5] prompte et légère,
Souvent utile aux braves d'Angleterre,
D'autres encor chargés d'emplois divers,
Et dont les noms fatigueraient mes vers.
Les fils du roi, Cairibrid, Erland, Ansclare,
Tenk et Dolpha, de ce Conseil bizarre
Sont les Sully : Kior, l'aîné de tous,
Ambitieux sous un air sage et doux,
Partit la veille, et rassemble l'armée.
Sa majesté, de courroux enflammée,
Entre au Conseil, en s'écriant : « Je veux…
Je ne veux rien ; délibérez, j'écoute. »
ANSCLARE
Vos ennemis vous menacent : chez eux
Il faut porter le ravage.
LE ROI
Sans doute.
ANSCLARE
Confiez–moi deux cents vaisseaux.
LE ROI
Prends–les.
ANSCLARE
J'embarquerai, j'armerai ces Français
De leur pays bannis par l'injustice,
Et que nourrit votre bonté propice.
LE ROI
Oui ; leur aspect fatigue mes sujets.
CAMBRID
À mes talens confiez la milice.
LE ROI
Va l'inspecter, et que Dieu la bénisse.
TENK
Sire, il est temps que je sois général.
LE ROI
Rien de plus juste.
ERLAND
Et moi, contre–amiral.
LE ROI
Très volontiers.
DOLPHA
Je mérite et demande
Un régiment.
LE ROI
La faveur n'est pas grande.
INEPTON
Pour acheter les voix du parlement,
Sire, il faudra deux cent mille guinées.
LE ROI
C'est trop payer, goddam !
INEPTON
Dans ce moment
Tout renchérit ; et les autres années
Coûteront moins.
LE ROI
Soit, venons aux Français.
INEPTON
– L'heureux Guillaume a de vastes projets.
Si de l'Irlande il touche le rivage,
Vous la perdez. Il peut après…
LE ROI
J'enrage.
De l'arrêter trouvez donc le moyen.
ALMOSTHALL
L'assassinat.
WANDYM
Moi, j'en propose un autre
Moins hasardeux, le poison.
LE ROI
Et le vôtre,
Lord Georgepit ?
GEORGEPIT
C'est l'incendie.
LE ROI
Eh bien,
Délibérez encore ; je vous laisse,
Et veux les mers ; écrivez ce mot-là.
Messieurs mes fils, il faut à la princesse
Un prompt hymen : le plus brave l'aura. »
Cette princesse était la jeune Énide,
Belle, et de plus seul rejeton des rois
À qui l'Irlande obéit autrefois,
Et qu'a frappés le poignard homicide.
Les fils d'Harold sollicitent son choix ;
Mais de Guillaume elle chérit le frère,
Le jeune Ernest, et lui promit sa main.
Vaine promesse ; à Londres prisonnière,
Le seul Harold réglera son destin.
Loin d'elle Ernest entraîné par la guerre
Peut l'oublier ; une autre pourra plaire ;
Et ce penser redouble son chagrin.
La bonne Alix, qui soigna son enfance,
Veut dans son cœur ramener l'espérance :
« Le ciel est juste, il vous doit son secours.
Vous le savez ; le roi, trompé toujours,
A pour ses fils une aveugle tendresse :
Ils briguent tous votre hymen ; sa faiblesse
Craindra long-temps de prononcer entre eux.
La guerre éclate, et Guillaume peut-être
Bientôt ici pourra parler en maître.
Espérez donc un destin plus heureux. »
Guillaume alors préparait sa vengeance.
Il réunit l'audace et la prudence.
Infatigable, ennemi du repos,
Il est partout, et partout sa présence
Porte la vie : il presse les travaux ;
De ses soldats il fait des matelots ;
Son regard seul punit ou récompense,
Et ce regard enfante les héros.
Au haut des airs dans un brillant nuage,
Sont réunis ces premiers paladins,
Francs et loyaux, terreur des Sarrasins,
Toujours armés contre le brigandage,
Le fier Roland, Oton, Astolphe, Ogier,
Roger, Renaud, Bradamante, Olivier,
Dans les combats prodigues de leur vie,
Et dont le sang coula pour leur patrie.
Ils souriaient à leur postérité.
Au milieu d'eux la Sylphide Hilarine
Levait son front éclatant de beauté.
Connaissez–vous son heureuse origine ?
Devant le dieu qu'adoraient les guerriers,
Dans un vallon où la Seine serpente,
Vénus fuyait : à ses yeux se présente
Un lit de fleurs, de pampre et de lauriers.
Ce lit champêtre, un amant qui la presse,
Le demi-jour qui précède la nuit,
À s'arrêter invitaient la déesse :
De cet amour Hilarine est le fruit.
Elle promet le plaisir et la gloire.
Elle est debout, une lance à la main ;
Un demi-casque orne son front serein ;
Et les Français la nomment la Victoire.
Dans l'ombre assis, froid et silencieux,
Le Gnome Spleen, noir enfant de la Terre,
Dont le pouvoir asservit l'Angleterre,
Voit la Sylphide, et détourne les yeux.
L'imprudent Pride en jurant le rassure,
Dans tous les cœurs il souffle un fol espoir ;
À chaque bouche il commande l'injure,
Et de la haine il a fait un devoir.
Des gentlemen la troupe enorgueillie,
Dans la débauche et loin des camps nourrie,
Reçoit du Gnome un courage imprévu,
Achète un sabre, et croit avoir vaincu.
Dans la taverne ils entrent en tumulte.
Les fils d'Harold arrivent triomphants.
Noble triomphe ! À nos guerriers absents
Ils prodiguaient les défis et l'insulte.
Pour augmenter le bruit et le fracas,
Triste plaisir des gens qui n'en ont pas,
Viennent alors quelques nymphes galantes,
D'un brusque amour victimes indolentes.
Le lourd pudding et le sanglant rost beef,
Les froids bons mots, la licence grossière,
Quelques éclats d'un rire convulsif
Toujours suivi du silence, la bière
Qu'à chaque bouche offre le même verre,
De ce banquet aux assiettes fatal,
Font un dîner vraiment national.
Puis au dessert coulent en abondance
Le jus d'Aï, le nectar bordelais ;
Et ces messieurs, ivres des vins de France,
Hurlent un toast à la mort des Français.
Deux cents vaisseaux fendent l'humide plaine.
Le prince Ansclare, à la gloire volant,
À nos pêcheurs livre un combat brillant,
Puis près de Dieppe il aborde sans peine.
Tous ses Français bravent la mort certaine,
Et sur la rive ils sautent les premiers.
Quelques Anglais descendent les derniers.
Ceux-là bientôt dans le pays s'avancent,
Du villageois rassurent la frayeur ;
Mais par la haine emportés, ils s'élancent
Sur le soldat que cherche leur fureur.
L'Anglais, moins prompt, et qui toujours calcule,
Visite au loin maisons, fermes, châteaux,
Taxe le pauvre, et pille sans scrupule,
Saisit l'argent, les bons Tins, les troupeaux,
Et, qui mieux est, des femmes et fillettes
De tous états soit nobles, soit grisettes :
De ce butin il charge ses vaisseaux.
Mais les Français, dont l'aveugle courage
Voulait cueillir un laurier criminel,
Bientôt vaincus regagnent le rivage.
Que fait alors l'Anglais lâche et cruel ?
De ses vaisseaux il leur défend l'approche,
À ce refus ajoute le reproche,
Les rend aux flots, sur eux lance des traits,
Et part, tout fier de ce double succès.
Dans Albion, cette nouvelle heureuse
Bientôt circule. Une fête pompeuse
Au Ranelagh se prépare à grands frais :
Le mois passé l'on y fêta la paix,
Chacun y va promener sa tristesse.
Voyez entrer cette riche duchesse ;
Belle toujours, dans une élection
Heureux qui peut l'avoir pour champion !
Dans les cafés, dans les clubs, sur la place,
Elle se montre, et pérore avec grâce ;
Chez les votants passe, repasse encor,
Et le nommant d'une voix familière,
Au savetier elle offre un pot de bierre,
Ses blanches mains, et sa bouche et son or.
Voyez plus loin cette nymphe galante,
Dans son maintien si grave et si décente.
Elle connaît comme un ambassadeur
La politique et ses profonds mystères,
Et vit tramer le complot qui naguère
Fit chez les morts descendre un empereur.
Remarquez-vous ces beautés ? Rien n'égale
De leurs yeux bleus la douceur virginale.
Mais ces yeux bleus dévorent les romans.
Ces vierges donc, et leurs jeunes amants,
Devers l'Écosse ont préparé leur fuite ;
Et là, malgré le refus paternel,
Ils s'uniront d'un lien solennel.
Tranquillement ils reviendront ensuite.
En France, hélas ! cette mode est proscrite.
Ces beaux salons, ces lustres, ces concerts,
Des diamants le brillant étalage,
Ce grand concours, ces costumes divers,
Plaisent d'abord ; mais sur chaque visage
On voit empreint l'ennui silencieux.
Le Gnome Spleen a soufflé sur ces lieux.
Pour le souper la foule se partage ;
Et tout-à-coup circule un bruit fâcheux :
« La sombre nuit, et les vents et l'orage,
Ont protégé Guillaume et ses soldats ;
Deux corps nombreux, après quelques combats,
De l'Angleterre ont touché le rivage. »
À ce récit, se lèvent à la fois
Tous les soupeurs, et muette est leur crainte.
Le Gnome Pride, errant dans cette enceinte,
Du lord Mora prend les traits et la voix.
« Eh bien Guillaume enfin va nous connaître,
Dit-il, soupons ; Kyor s'est avancé
Pour le combattre ; et par Cambrid peut-être
Le jeune Ernest est déjà repoussé ;
Soupons. » Chacun se rassied sans mot dire,
Et l'appétit sur les lèvres expire.
Loin d'eux Kyor appelle nos regards.
De tous côtés ses phalanges guerrières
Livrent aux vents ses jeunes étendards.
Vous le savez, ces flottantes bannières
Au temps jadis, au lieu des léopards,
Offraient aux yeux l'emblème des renards.
Au premier rang sont les auxiliaires,
Les Écossais, dans les rochers nourris,
Qu'Albion paie, et voit avec mépris.
À ses héros ce rempart est utile.
Au premier choc il résiste immobile,
Et des Français il repousse l'ardeur.
Guillaume vole, et se place à leur tête :
Contre une digue avec moins de fureur
Grondent les flots qu'irrite la tempête.
De toutes parts le glaive ouvre les rangs.
Au bruit confus des casques qui gémissent,
Des traits lancés qui soudain rebondissent,
Des fers brisés, des javelots sifflants.
Se mêle alors le long cri des mourants.
Entendez-vous la fanfare guerrière ?
Vainqueurs, vaincus, par ces sons excités,
Bravent la lance, et la flèche et la pierre ;
Et du coursier les pieds ensanglantés
Les couvrent tous d'une épaisse poussière.
Planant dans l'air, les paladins français
Chez leurs neveux retrouvent leur vaillance
Et leurs exploits : des Gnomes inquiets
Vers eux le groupe avec crainte s'avance.
Cheat leur demande et leur offre la paix :
Son air est faux, sa voix trompeuse et douce.
Robbing la suit, et son avidité
Veut de commerce obtenir un traité.
Un rire amer aussitôt les repousse.
Pride indigné lève en jurant son bras.
Nos chevaliers l'attendent ; il s'arrête,
Menace encore, fait en arrière un pas,
Puis deux, et fuit sans retourner la tête.
Les Écossais, de tous côtés rompus,
De sang couverts, avec gloire vaincus,
En reculant conservent leur courage.
L'Anglais soudain les repousse au carnage.
« Lâches, dit-il, pourquoi donc fuyez-vous ?
Nous vous payons, ainsi mourez pour nous.
Ces bras levés, ce barbare langage,
Des Écossais ont allumé la rage ;
Sur leurs tyrans ils courent furieux.
Ceux-ci, malgré leur dépit orgueilleux,
En combattant méditent leur retraite ;
Et les Français achèvent leur défaite.
Sur un coursier qu'on nomme King Pepin[6],
Kyor s'enfuit, vole, et sur son chemin
Aux laboureurs laisse des ordres sages.
Abandonnez vos champêtres travaux,
Leur disait-il : égorgez vos troupeaux,
Brûlez vos bois, vos granges, vos villages ;
Et que vos champs de richesses couverts,
Pour l'ennemi se changent en déserts. »
Chacun riant de ces ordres étranges,
Chez lui demeure et conserve ses granges.
« Vils Écossais ! J'aurais vaincu sans eux. »
Disait Kyor fuyant avec vitesse,
Avec dépit : « moins brave et plus heureux,
Cambrid sans doute obtiendra la princesse. »
Cambrid, tout fier de ses nombreux soldats,
Du jeune Ernest a juré le trépas,
Et prodiguait les paroles altières.
Stonhap survient, et lui dit : « De la paix
Vous auriez dû conserver les bienfaits :
À mon pays ils étaient nécessaires.
Mais nos dangers doivent nous réunir.
J'ai donc armé ces braves volontaires ;
Comme leur chef ils sauront obéir. »
Le noble duc, après un long silence,
Répond enfin avec indifférence :
« Le roi pour lui vous permet de mourir. »
Il voit alors l'ennemi qui s'avance ;
Son front pâlit, et pourtant sa jactance
À ses guerriers répète ce discours :
« Amis, mon bras protégera vos jours ;
Du premier coup je briguerai la gloire ;
Au premier rang vous me verrez toujours.
Suivez-moi donc ; je marche à la victoire. »
Il dit, et Flight, qu'il appelle en secret,
De son coursier tourne aussitôt la bride,
Pique les flancs : le vent est moins rapide ;
Comme un éclair il passe et disparaît.
Vous concevez des soldats la surprise ?
Quoi ! disait-on, ils évitent les coups,
Ces beaux messieurs ? Le combat est pour nous
Et le succès pour eux ? Quelle sottise ! »
Après ces mots on doit fuir, et l'on fuit ;
Et faiblement le Français les poursuit.
Le seul Stonhap, intrépide et fidèle,
À nos guerriers oppose sa valeur,
Soutient leur choc, recule sans frayeur,
Sauve sa troupe et s'éloigne avec elle.
Le prince Ansclare à Londres conduisait
Tous ses forbans et son heureuse proie.
Dans ses regards sont l'orgueil et la joie.
Amant d'Énide, en lui-même il disait :
Elle est à moi ! Mais l'espoir l'abusait.
L'or et les vins tentent sa troupe avide.
Lâche au combat, au pillage intrépide,
À ce désir elle succombe enfin.
Mais le moyen de régler le partage ?
Sur le convoi chacun porte la main.
Rapidement une rixe s'engage,
Et tous alors boxent avec courage.
Leur général crie et menace en vain ;
En vain il frappe, il assomme, il renverse.
Ainsi des chiens l'acharnement glouton
Brave les cris, les fouets et le bâton.
Mais un seau d'eau tout à coup les disperse.
Le jeune Ernest, suivi d'un escadron,
Chassait alors la fuyante milice ;
Et son aspect fut le seau d'eau propice
Qui dispersa les brigands d'Albion.
Vous perdez donc l'Irlande ? dit la reine.
– Mon chancelier me l'avait bien prédit,
Répond Harold. Quel homme ! Que d'esprit !
– Pourtant l'Irlande a secoué sa chaîne.
Prédire est bon, mais prévenir vaut mieux.
Il faut du moins qu'au mal on remédie.
Le pourra-t-on ? L'Angleterre envahie
Veut tous vos soins, et les séditieux.
– « Heureux, my dear[7], heureux le gentillâtre
Qui, sans rival sur son étroit théâtre,
Fouette son lièvre et parfois ses vassaux,
Et du village est ainsi le héros !
Lorsque la pluie au gibier favorable,
Trouble sa chasse, il revient en sifflant,
Dîne et s'enivre, et renversant la table,
Il bat sa femme et lui fait un enfant. »
– Votre discours a du bon, dit Gizène,
Et du mauvais. Harold ne l'entend pas.
Les yeux baissés, rêveur il se promène ;
Puis il ajoute avec un long hélas ;
« Heureux encor le marchand pacifique
Fumant sa pipe au fond de sa boutique !
Il craint sa femme et son ton arrogant ;
De la maison il lui laisse l'empire,
Au moindre signe obéit sans mot dire,
Et vit ainsi cocu, battu, content. »
– Bien, dit la reine, et jamais la sagesse
N'a mieux parlé ; mais l'Irlande ? – Ma foi,
Je l'abandonne. – Il faudrait mieux, je crois,
Régler enfin l'hymen de la princesse.
– Oui ; mais nos fils sont rivaux et jaloux :
Lequel choisir ? — Laissez parler Énide.
– Non ; sa fierté les refuserait tous.
– Il faut pourtant. – Qu'une course en décide
Énide apprend cet arrêt, et ses pleurs
Semblent au ciel reprocher ses malheurs.
Elle disait : « Pour moi plus d'espérance.
Dès le berceau j'ai connu le chagrin,
Et d'un seul mot on fixe mon destin ;
Je dois souffrir, et souffrir en silence.
Mais cet hymen pourra-t-il s'accomplir ?
Quoi ! Dans ces lieux je traînerais ma vie !
Aux oppresseurs de ma triste patrie
Je m'unirais ! Non, non ; plutôt mourir.
Sensible Ernest, dans le fracas des armes,
De ton amie on te dira le sort.
En vain sur moi tu verseras des larmes ;
Je dormirai dans le sein de la mort. »
Sur ce héros l'invisible Sylphide
Veille avec soin. À l'Anglais trop avide
Il enleva le convoi précieux,
L'or et les vins, et ces filles jolies
Traîtreusement près de Dieppe ravies.
Un bois épais se présente à ses yeux.
L'oiseau fuyait son feuillage immobile :
Du Gnome Spleen c'est l'ordinaire asile.
Plusieurs Français de leur route écartés,
D'autres cherchant quelque douce aventure
Étaient entrés dans la forêt obscure,
Et par un charme ils y sont arrêtés.
Non sans dessein, la Sylphide guerrière
Du jeune Ernest y conduisait les pas.
Il marche donc suivi de ses soldats.
Leurs chants joyeux du Gnome solitaire
Frappent l'oreille ; il se lève à ce bruit,
D'un noir manteau se couvre, écoute encore,
Ouvre ses yeux qu'importune l'aurore,
Voit Hilarine, et plus triste s'enfuit.
Ernest alors dans la forêt s'avance.
Avec surprise il contemple un Anglais
Chargé d'honneurs, nageant dans l'opulence :
Titres, cordons, pouvoir, nombreux valets,
Adroits flatteurs, bons repas, femme aimable,
Il avait tout ; un lacet secourable.
De tant de maux le délivre à jamais.
Un jeune amant, plus loin avec tristesse,
Dans un bosquet aborde sa maîtresse,
Et pour soupir il fait un vain effort.
Sans dire un mot il promène la belle ;
Sans dire un mot il s'assied auprès d elle ;
Sans dire un mot il boit, fume et s'endort.
Passe un mari qui, froid et sans colère,
Tient par la main celle qui lui fut chère,
Et qui long-temps fit seule son bonheur ;
Tout en vantant sa vertu, sa douceur,
Pour deux schellings et quatre pots de bière
Il veut la vendre : arrive un acheteur
Qui la marchande, et la trouve un peu chère.
Un autre dit : « Enfin elle est à moi.
Ô doux délire ! Ô volupté suprême !
Elle est à moi. Mais le bonheur extrême
Ne peut durer ; tout change ; cette loi
Seule est constante : enfin la jouissance
Refroidira nos cœurs et nos désirs ;
Et le dégoût suivra l'indifférence,
Comment alors supporter l'existence !
Mourons, mourons au comble des plaisirs. »
Du Gnome Spleen la maligne influence
Sur les Français agit moins puissamment.
Point de lacets, de poignards ; seulement
De noirs pensers, de l'ennui, du silence.
Ils écrivaient ; mais, hélas ! quels écrits !
Ils entassaient dans leurs tristes récits
Les vieux donjons et les nones sanglantes,
Les sots geôliers, les grilles, les cachots,
Des ravisseurs de Lucrèces galantes,
De grands malheurs et des crimes nouveaux,
Des clairs de lune, et puis les crépuscules,
Et puis les nuits, des diables, des cellules,
De longs sermons, des amants sans amour,
Des spectres blancs, des tombeaux, une église,
Tout le fatras enfin et la sottise
Renouvelés dans les romans du jour.
Les chants galants mêlés aux chants de guerre,
Les vins mousseux, les normandes beautés,
À ces Français par le Gnome enchantés
Rendent soudain leur premier caractère.
Le romancier rit de ses grands hélas,
Et tous ensemble ils volent aux combats.
D'un fort château placé sur leur passage
La résistance irrite leur courage.
Les assiégés, du haut de leurs créneaux,
Lancent la mort, la mort inévitable ;
Mais le Français, de frayeur incapable,
Brave gaîment le vol des javelots.
Contre le mur sa main impatiente
Déjà dressait l'échelle menaçante :
L'Anglais se rend pour conserver ses jours,
Livre le fort et s'éloigne avec crainte.
Du noir cachot creusé dans cette enceinte
Sortent alors des gémissements sourds :
On ouvre, on voit sous cette voûte impure
Deux cents Français enchaînés, presque nus,
Que tourmentaient la faim et la froidure,
Pâles, mourants, dans la fange étendus.
À cet aspect d'abord même silence,
Puis même cri : Poursuivons-les ; vengeance !
Dans Londres alors les six princes rivaux,
Jockeys légers, pour disputer Énide
Ont préparé leurs rapides chevaux.
Le roi lui-même à la course préside.
Sur des gradins se placent les seigneurs,
Des gentlemen la brigade si fière,
Marchands, courtiers, et filous et boxeurs,
Femmes, enfants, enfin la ville entière.
Mais du combat le prix noble et charmant,
La belle Énide en son appartement
Voulut rester : à la mort résolue,
De ce tournoi elle craint peu l'issue.
De tous côtés s'arrangent les paris.
L'espoir, le doute, agitent les esprits.
Les six rivaux s'élancent dans l'arène,
Et de la voix animant leurs coursiers,
Souples, debout sur leurs courts étriers,
Le cou tendu, touchant la selle à peine,
Au même instant ils arrivent au but.
L'heureux Harold sourit à leur adresse ;
Le courtisan, enviant leur vitesse,
Claqua des mains, et le peuple se tut.
Tous sont vainqueurs, et le prix est unique :
Quel embarras ! le roi leur dit : « Boxez. »
Ils rechignaient ; la course est pacifique,
Mais non la boxe. « Eh quoi ! Vous balancez ! »
Ajoute Harold. Enfin donc ils se placent,
De loin toujours s'observent, se menacent,
Parent les coups qu'on ne leur porte pas,
Frappent l'air seul, et long-temps divertissent
Les gens grossiers qui riaient aux éclats.
Les courtisans derechef applaudissent.
« Vous boxez tous avec même talent,
Leur dit Harold ; il faut finir pourtant :
Les coqs ! Les coqs ! » On les cherche, ils paraissent.
Armés soudain de piquants éperons,
Des six héros ils reçoivent les noms,
Et fièrement sur leurs ergots se dressent.
Mais tout à coup ces dignes champions
Baissent la queue, et légers ils s'échappent.
Sous les gradins les princes les rattrapent.
Au bruit du fifre et des aigres clairons,
On les ramène au combat : plus poltrons,
Leur fuite prompte excite un nouveau rire.
Qu'avaient-ils donc ? Puisqu'il faut vous le dire,
Ces coqs, messieurs, n'étaient que des chapons.
Des cris de peur alors se font entendre :
Un revenant ! Un démon ! Un Français !
Où donc, où donc ? Là bas, dans le palais.
Est-il seul ? Oui. Tout vif il faut le prendre.
De ce tumulte, impatient lecteur,
Dans l'autre chant vous connaîtrez l'auteur.
Tandis qu'Ernest à la troupe ennemie
Fait expier son lâche assassinat,
Passe un guerrier étranger au combat.
Et dont la voix fièrement le défie.
Il lui répond plus fièrement encor,
Vers lui s'avance, et sur son casque d'or
Au même instant reçoit un coup terrible.
Le feu jaillit du cimier fracassé,
Et sur la croupe Ernest est renversé.
Il se relève, et dans le bois paisible
Poursuit l'Anglais qui fuit rapidement.
« Attends, dit-il, attends donc un moment.
Quoi ce coup seul suffit à ton courage ? »
Il parle, il vole, et sous l'obscur ombrage
Il s'enfonçait. L'Anglais subitement
Vers lui se tourne : Ernest frappé chancelle ;
La bride fuit ses doigts ; son front pâlit,
Et va toucher le pommeau de la selle.
Sur l'étrier bientôt il s'affermit ;
Mais l'inconnu que son glaive menace
Était bien loin : il suit toujours sa trace,
Et sa surprise égale son dépit.
L'autre pourtant a ralenti sa fuite.
Ernest arrive ; un vaste souterrain
Reçoit l'Anglais ; Ernest s'y précipite ;
Le coursier meurt ; le cavalier, soudain
Se relevant, sur l'Anglais qui l'évite
Lève le bras et le levait en vain :
À son costume, à sa beauté divine,
Il reconnaît la Sylphide Hilarine :
Elle sourit et disparaît enfin.
Comment sortir ? Où trouver une issue ?
Une clarté de loin s'offre à sa vue ;
Puis il entend le bruit des balanciers
Que font mouvoir d'habiles ouvriers.
Souvent, lecteur, l'ordre du ministère
Faisait frapper dans ces noirs souterrains
De faux écus pour les États voisins ;
Voyant d'Ernest la cocarde étrangère,
Ces gens ont peur, et courent ; le Français
Monte avec eux par de sombres passages,
Sort, et d'Harold reconnaît le palais.
Il est désert : valets, nobles et pages,
Sont du tournoi tranquilles spectateurs.
Des fugitifs les subites clameurs
Troublent la fête et sèment les alarmes.
Vers le palais s'avancent des gens d'armes.
Mais d'autres cris causent d'autres frayeurs :
« Guillaume approche, et nos troupes nombreuses
N'arrêtent point ses troupes valeureuses. »
Tout s'arme alors : dans ce commun danger
Le roi lui-même a saisi son épée
Qui dans le sang ne fut jamais trempée ;
Jusqu'à combattre il veut bien déroger.
Pour arrêter celui que rien n'arrête,
Le jaloux Spleen épaissit sur sa tête
Les froids brouillards que chassait l'aquilon,
Des vallons creux l'infecte exhalaison,
Et les vapeurs de l'humide charbon
Que dans ses flancs recèle en vain la terre.
Le peuple Gnome autour de lui se serre.
Mais la Sylphide et ses fiers paladins
Au haut des cieux montrent leurs fronts sereins.
Pride excitait sa troupe malfaisante ;
Et de nos preux la lance menaçante
La fait pâlir, la poursuit dans les airs,
Et pour jamais la replonge aux enfers.
Spleen reste seul : en vain Renaud le chasse,
Roland en vain le frappe et le terrasse ;
D'un ton funèbre il leur criait : « Plus fort !
Vous le savez, je n'aime que la mort. »
Avant le choc, tous les guerriers paisibles,
L'yeomanry, volontaires, fensibles,
Sont ébranlés et regrettent leurs toits.
Les uns disaient : « À quoi bon cette guerre ?
Qui la veut seul, seul aussi doit la faire. »
À ces cris sourds se mêlent d'autres voix :
« Sur nos vaisseaux nous aurons du courage.
Ils marchent bien ; nous sommes trois contre un ;
Nous évitons le grappin importun ;
Du vent toujours nous prenons l'avantage ;
Enfin le rhum échauffe le combat.
Mais de trop près sur la terre on se bat. »
Lorsqu'un gros loup à la prunelle ardente
Au bord du bois tout à coup se présente,
Moutons, agneaux, qui dans la plaine épars
Broutaient les fleurs, en groupe se rassemblent
L'un contre l'autre ils se pressent, ils tremblent
Et sur le loup attachent leurs regards :
S'il fait un pas, sauve qui peut ! Leur trouble,
Que du berger la voix même redouble,
Peint assez bien celui des villageois
Impatients de regagner leur toits.
Dans le palais, seul avec la princesse,
Que fait Ernest ? Sa courageuse adresse
Y soutenait un siège irrégulier.
La porte il ferme, et puis la barricade ;
En quatre pas il monte l'escalier ;
De la fenêtre, il ose défier
Des assiégeants la nombreuse brigade.
Leurs cris, leurs traits ne peuvent l'effrayer.
Plusieurs, armés de la tranchante hache,
Sur le perron s'élancent, et leurs coups
Vont de la porte ébranler les verrous.
La main d'Alix adroitement arrache
Les marbres durs qui pavent le salon ;
La main d'Ernest adroitement les lance
Tombent alors le pesant Thorthrenthron,
Le froid Cranncraft, le triste Whirwherwhon.
D'autres guerriers une troupe s'avance.
Sur eux pleuvaient les sophas et les lits,
Puis les portraits d'Harold et de ses fils,
Des livres même à la tranche dorée,
La grande charte en lambeaux déchirée,
Les lourds fauteuils, les barils de porter,
Et le fromage arrondi dans Chester.
Du brave Ernest la belle et tendre amie
Craint pour lui seul, modère sa valeur,
Aide son bras, et doucement essuie
Ce front brûlant que mouille la sueur.
Mais des Anglais la rage renaissante
Sur le palais lance la torche ardente.
Le toit s'embrase, et les frais aquilons
Portent au loin la flamme dévorante,
Qui dans les airs s'élève en tourbillons.
L'effroi pâlit le visage d'Énide.
« Venez, lui dit son amant intrépide ;
Ne craignez rien, suivez-moi, descendons. »
Elle descend, et veut cacher ses larmes,
Ernest avance, et, couvert de ses armes,
La porte il ouvre, en criant : « Me voilà ! »
À cet aspect, à cette voix terrible,
Tel qui se crut jusqu'alors invincible
Connut la peur, et bien loin recula.
Guillaume alors dans le champ du carnage,
De ses soldats dirigeait le courage,
Harold le voit : de ses fils entouré,
Sur le héros il court d'un pas rapide,
Et croit déjà son triomphe assuré.
Mais ce héros sur le groupe timide
Tourne les yeux, et ce regard vainqueur
Calme soudain la royale fureur.
Le septuor dans les rangs se retire :
Là, par degrés il reprend sa valeur.
« Quoi ! Sept contre un, nous fuyons ? Que va dire
L'armée entière ? Allons, morbleu, du cœur ! »
Derechef donc sur Guillaume on s'élance,
En répétant Goddam ! Tranquille et fier,
Il lève alors sa redoutable lance,
Et sur sa bouche est le sourire amer.
Nouvel effroi pour eux, fuite nouvelle,
Fuite complète ils ne s'arrêtent plus :
Et sourds au cri qui de loin les rappelle,
À travers champs ils courent éperdus.
Pour les venger aussitôt se présente,
Sur des chevaux à la course dressés,
Des gentlemen la brigade élégante.
Par nos hussards sifflés, battus, chassés,
Ils répétaient dans leur noble colère :
« French dogs ![8] Eh oui, ces dogues belliqueux
Faisaient courir les lièvres d'Angleterre,
Et dans le gîte ils entrent avec eux.
Du triste Harold la majesté fuyante
Traverse Londres : il essuie en chemin
Force brocards ; et la pomme insolente
Tombait sur lui sans respect et sans fin.
Il passe donc applaudi de la sorte,
Devant Bedlam, d'un saut franchit la porte,
Puis la referme, en s'écriant : « Goddam !
Au diable soit mon fidèle royaume !
Pour pénitence, acceptez-le, Guillaume.
J'aime les fous, et je reste à Bedlam. »
Voyez ses fils et leur galop rapide.
L'un d'eux disait : « Dans ce trouble commun,
Nous pouvons fuir ; mais enlevons Énide,
Et donnons-lui six maris au lieu d'un. »
Des lourds turneps, lancés avec adresse,
De tous côtés pleuvent sur chaque altesse.
Droit au palais ils courent : le héros,
Qui défendait sa charmante maîtresse,
En souriant reconnaît ses rivaux,
Et d'un coup d'œil rassure la princesse.
Voyant Ernest, ils se disent entre eux :
« Il nous faudrait combattre ; le temps presse ;
Au diable donc envoyons-les tous deux. »
Sans pérorer, le groupe des ministres
Passe et s'enfuit ; et mille cris sinistres
Fendent les airs : « Pendons, pendons ceux-là !
Des gentlemen la brigade effarée,
Aux ris moqueurs sans doute préparée,
Le front baissé, promptement défila.
Stonhap encor, dans un étroit passage,
Se défendait avec quelques soldats.
Mais la fatigue appesantit son bras,
Et la sueur inonde son visage.
Guillaume arrive, et dit avec douceur :
« D'un lâche roi, généreux défenseur,
Ne cherche plus un trépas inutile ;
Rends-toi. » Soudain l'Anglais, fier et docile,
Remet son glaive à ce noble vainqueur.
Facilement s'échappent de la ville
Les fils d'Harold en jockeys travestis.
L'oreille basse, et sous d'autres habits,
Au même instant le ministère file.
Au port voisin ils trouvent deux vaisseaux
Qu'avait armés leur sage prévoyance.
Mais où porter leurs talents, leur vaillance ?
Long-temps en vain ils fatiguent les flots ;
Chassés partout, ils n'ont plus d'espérance.
Par les courants et par les aquilons
Ils sont poussés vers le pôle Antarctique ;
Et loin, bien loin, dans la mer Pacifique,
Ils vont peupler les îles des Larrons.