Hymne pour la fête de la Victoire

Auteur(s)

Année de composition

s.d.

Genre poétique

Description

Huitains en rimes croisées

Paratexte

Texte

Fille auguste de Mars, ô puissante Victoire,
Reçois l'hommage des Français !
Non, jamais l'œil du jour n'éclaira tant de gloire,
Ni de si rapides succès.
Glaive sacré d'un peuple libre,
Tu fais pâlir tout l'univers ;
L'ombre même des dieux du Tibre
Frémit à tes brûlans éclairs.

L'Apennin a vomi nos guerriers et la foudre ;
L'Aigle recule épouvanté ;
L'ennemi se renverse, et roulant dans la poudre,
Par ses débris est arrêté.
Poursuis, redoutable colonne,
Pavie insulte à ta valeur ;
Venge enfin les malheurs du trône !
Vienne appelle un libérateur.

Ainsi de nos destins l'invincible Génie
Signale et guide nos drapeaux ;
Les vainqueurs de Fleurus et ceux de l'Ausonie
Ont surpassé tous les héros.
L'honneur des armes se partage,
Le Midi du Nord est rival ;
Mais le Français dans son courage
N'a que lui-même pour égal.

Ô vous qui parcourez les rives de la Loire,
Ces murs et ces champs malheureux,
N'y rappelez jamais une horrible victoire ;
Le triomphe est trop douloureux.
Sur ces bords, rendus à la France,
Gravez ces mots consolateurs :
« L'amour, l'oubli, la tolérance,
Sont les besoins de tous les cœurs. »

Pourquoi, foulant aux pieds le nom sacré de frère,
Rouvrir nous-mêmes notre flanc ?
Cessons de déchirer le sein de notre mère,
Le sang qui coule est notre sang.
Hélas ! Les discordes civiles
N'ont amené que des forfaits !
Rappelons, sur nos bords fertiles,
Les vertus, les arts et la paix.

Craignez-vous le retour des malheurs de la France ?
L'humanité règne en nos cœurs.
Regrettez-vous vos fils morts pour l'indépendance ?
Nous leur devons plus que des pleurs.
Revoyez-les dans la patrie ;
Vos toits ne seront plus déserts :
Mais ils n'ont point quitté la vie ;
Leur gloire habite l'univers.

Leurs frères, leurs amis ont suivi la Victoire
Au sein des Alpes affranchis.
Morat n'étale plus, pour défier leur gloire,
Des monceaux d'ossements blanchis.
Quel lieu leur rappelle un outrage
Que n'efface leur fer vengeur ?
Vous les verrez, cités du Tage,
Frapper un infâme oppresseurLe gouvernement anglais, maître en quelque sorte du Portugal.

Quel transport belliqueux entraîne leur audace
Aux barrières de l'Océan ?
Ils semblent accuser et dévorer l'espace
Qui les sépare du tyranLe gouvernement anglais, désigné, depuis soixante ans, par les orateurs et les poètes, comme le « dominateur » et le « tyran des mers ».
Londres prépare les victimes,
Tout s'ébranle du même effort :
J'entends rouler sur les abîmes
L'arsenal brûlant de la mort.

Fille auguste de Mars, ô puissante Victoire,
Reçois l'hommage des Français !
Non, jamais l'œil du jour n'éclaira tant de gloire,
Ni de si rapides succès.
Glaive sacré d'un peuple libre,
Tu fais pâlir tout l'univers ;
L'ombre même des dieux du Tibre
Frémit à tes brûlans éclairs.

 
 

Sources



Œuvres de P.-L. Carré, Paris, Trouvé, 1826, p. 33-36.