Couplets chantés pour l'inauguration des bustes de Marat, Lepelletier et autres martyrs de la Liberté, par la section de l'Arsenal, dans l'enceinte de l'Institution nationale des Enfans-Aveugles
Paratexte
Décadi 10 frimaire, an 2 de la République Française une et indivisible
Aux deux côtés de la statue de la Liberté sont les bustes de Marat & Le Pelletier, au milieu des trophées d'armures anciennes.
Au milieu de l'enceinte paroît une simple tombe, censée couvrir les restes des martyrs de la Liberté, surmontée d'une enclume, sur laquelle des forgerons fabriqueront une arme qui sera donnée au cavalier, envoyé par la section, aux frontières.
Texte
Air : Vaudeville du Maréchal-Ferrant
Aux martyrs de la Liberté
Tombeau révéré des Français,
Tombeau, témoin de leurs regrets,
Sensible aux cœurs d'un peuple en larmes,
Entrouvre tes flancs ténébreux ;
Nuit, déchire ton crêpe affreux,
En ce jour suspends nos alarmes.
Ô héros, qu'à votre œil s'offre encore
Un peuple entier qui vous honore.
Vœux impuissans, vœux superflus,
Ô grands hommes, vous n'êtes plus !
Dieu, dans nos mains remets ta foudre ;
Seconde un instant nos efforts ;
Mais les Français sont assez forts,
Pour mettre les tyrans en poudre.
Non, non, Dieu, garde-le ton tonnerre,
C'en est trop de la France entière.
À Marat
Ô Marat, pour prix de ces pleurs,
Que ta tombe arrache à nos cœurs,
Du feu de ton âme intrépide,
Échauffe nos bouillans guerriers ;
Et qu'à l'aspect de leurs lauriers,
L'ennemi baisse un front stupide.
Ô Marat, ô martyr plein de gloire,
Enchaîne à leurs pas la Victoire.
Forgé par les mains du courroux,
À l'acier pressé sous nos coups,
Dis du sein de la nuit profonde :
Vole, acier, vole, il en est tems,
Vas rendre aux enfers les tyrans,
C'est pour la vertu qu'est le monde.
(au cavalier)
Ô guerrier, tu l'entends, il te crie,
Prends ce fer, sauve la patrie.
Par Avisse, aveugle, de l'Institution nationale
Autres couplets sur le même air
Allons, amis, armons nos bras ;
Aux tyrans portons le trépas :
Des Français ils creusent la tombe,
Et nous ne les vengerions pas !
Il faut sous l'effort de nos bras
Que des tyrans la tête tombe.
Compagnons, battez chaud, mon courage ;
Il faut avoir cœur à l'ouvrage.
Qu'aux coups redoublés du marteau,
Marat sorte de ce tombeau !
Qu'au milieu de nous il s'avance,
Et que du fer étincelant
Il voye aiguiser le tranchant
Qui doit purger enfin la France.
Compagnons, battez chaud, mon courage ;
Il faut avoir cœur à l'ouvrage.
Apprêtons, apprêtons nos traits ;
Mettons un terme aux longs forfaits
Dont les rois ont souillé la Terre ;
Qu'ils disparoissent pour jamais !
De leurs trônes, de leurs palais
Faisons un monceau de poussière.
Compagnons, battez chaud, mon courage ;
Il faut avoir cœur à l'ouvrage.
Héros couverts de nos regrets,
Pour vous venger nous sommes prêts :
Entre nos mains la foudre gronde,
Sur ce terrible monument
Nous avons forgé l'instrument
Qui rompra les chaînes du monde.
Compagnons, battez chaud, mon courage ;
Il faut avoir cœur à l'ouvrage.
Par Caraffe, président de la Section de l'Arsenal