À la Convention
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Du peuple souverain sages représentans,
Loin de repousser la lumière,
Vous désirez d'entendre les accens
De la vérité toute entière.
Que les despotes, les tyrans
Lui préfèrent la flatterie ;
Qu'ils s'enivrent de son encens ;
C'est là leur idole chérie.
Mais d'austères républicains
Ne peuvent avoir d'autre envie
Que d'apporter des remèdes certains
Aux maux qu'endure la patrie.
Du centre vous ne pouvez voir
Ce qui se passe à la circonférence ;
Il faut donc vous faire savoir
Ce que chaque point de la France
Offre d'abus à corriger.
De vos délégués la présence,
Au lieu de les guérir, ne fait que les changer.
M'est-il permis d'en donner une preuve ?
Je vais la prendre parmi nous.
Avant que Jean Debry vînt nous mettre à l'épreuve,
Nous jouissions ici du bonheur le plus doux ;
On n'y voyoit ni haine, ni querelle :
Montélimar alors fesoit bien des jaloux ;
À plus d'une commune il servit de modèle.
Cet heureux tems n'est plus ; puisse-t-il revenir !
Ne croyez pourtant pas que je veuille prétendre
Inculper Jean Debry, moins encor le ternir :
Mais il n'a pas su se défendre
D'un intrigant, chez qui l'art de circonvenir
Fait le mérite et la science.
Aussi, depuis ce tems tout est bouleversé ;
Nous vivons dans la méfiance ;
Le patriote est terrassé,
Et l'homme en question ne parle que vengeance.
Le croiriez-vous ? Au sein de la société,
II n'a pas craint de pousser l'impudence
Jusqu'à dire que tous nous avions mérité
D'être en butte au moins à l'insulte.
De ce dogme par lui sans cesse répété
Depuis trois mois voici ce qui résulte ;
C'est qu'un bon citoyen ne peut impunément
Se montrer nulle part, sans que l'aristocrate
Vienne l'assaillir à l'instant
Et de la dent et de la patte.
Cela ne serait, encore rien,
Et je pardonnerois aisément cet outrage,
Si je voyois d'ailleurs qu'on marchât bien :
Mais comme tout est son ouvrage,
On auroit peur de l'offenser,
De sa raison en voulant faire usage ;
Ce n'est que d'après lui que l'on semble penser.
Et cet homme a le front de parler terrorisme !
C'est là son mot de ralliement.
Et je ne connois point dans le Robespierrisme
De prosélyte plus ardent.
Mais ne perdons pas espérance,
Nous ne souffrirons pas long-tems ;
Soyons sûrs que la providence
Du haut du ciel veille sur ses enfans ;
Elle dissipe, elle renverse
Les vains projets des intrigans.
Oui, déjà la vérité perce ;
Elle n'a qu'à pousser un cri,
Elle saura se faire entendre,
Et dans le moment Jean Debry
Avouera franchement qu'on a pu le surprendre.
Hé qui de nous oseroit le blâmer ?
Hélas ! Une âme pure, honnête
Ne sait pas même présumer
Les replis tortueux que l'intrigant apprête
Pour la séduire et l'égarer ;
Les voit-elle ?… D'un mot elle écrase sa tête,
Tous les maux vont se réparer.