Meilleur Parti (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1796

Genre poétique

Description

Alexandrins en rimes plates

Paratexte

Texte

Vous avez, dîtes-vous, servi la liberté :
Je le crois. – Je m'en vante. – Oh ! Point de vanité !
– Plus de cinquante fois j'ai servi ma patrie.
 C'est beaucoup ! – C'est le moins : mais sa gloire est flétrie.
– Comment donc ? Nos soldats sont couverts de lauriers ;
L'olive de la paix, conquis par nos guerriers,
Va bientôt réunir sous son aimable ombrage,
Les Français possesseurs d'un gouvernement sage.
Il nous a tant coûté de sang, de maux, de pleurs !
Mais il commence à mettre un terme à nos douleurs.
– Ne vous déguisez pas toute notre infortune.
– Qu'est-il donc arrivé ? – L'existence commune
Était mieux notre fait. Ah ! Citoyen, j'entends.
– Nous serions tous heureux, est-il vrai ? – Je comprends.
– Eh bien ! On m'a chassé. – Vous, citoyen ! – Moi-même,
Pour avoir défendu le bienfaisant système
De cette précieuse et sainte égalité,
Dans la force du mot. Je m'en étais flatté :
Dans peu nous aurions vu nos places, nos portiques,
Nos hôtels, convertis en cuisines publiques ;
Nous aurions habité de beaux appartements ;
Nous aurions partagé les riches vêtements…
– Hélas ! Qu'aurait produit votre aveugle puissance ?
Un siècle de misère, une heure d'abondance.
Avant tout, citoyen, je veux la probité ;
Et dans l'homme public, avec l'intégrité,
J'exige les talents, j'exige les lumières.
Ah ! Mettez à profit mes conseils salutaires.
Tout citoyen honnête, en ces heureux moments,
Repousse avec horreur de nouveaux changements.
Consolez-vous : on peut, sans être politique,
Être utile aux humains, servir la République.
Vous avez un métier ; reprenez votre état :
Mieux vaut bon artisan que mauvais magistrat.

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an V de la République française, ou Choix des poésies fugitives de 1796, Paris, Louis, an V, p. 63-64.