Ode sur le combat d'Algésiras

Auteur(s)

Année de composition

1801

Genre poétique

Description

Dizains d'heptasyllabes

Mots-clés

Paratexte

Delenda Carthago !La baye d'Algésiras sera à jamais mémorable, par le combat de l'Indomptable, du Formidable, du Desaix, du Muiron, contre un nombre double de vaisseaux anglais. Le contre-amiral Linon commandait ; le général Devaux tirait de la côte sur l'escadre anglaise

Texte

Qui des colonnes d'AlcideDétroit de Cadix ou de Gibraltar : la fable suppose qu'Hercule y planta ses colonnes, après avoir séparé les montagnes d'Abyla et de Calpé, pour unir les deux mers
Peut ébranler le repos ?
Quel BriaréeCe géant désigne l'Angleterre : Briarée, selon la mythologie, fit la guerre aux dieux ; elle ajoute, que Neptune le vainquit, et le noya dans la mer. La fable le représente avec cent bras et cinquante têtes fulminantes homicide
S'élève du sein des flots ?
Dressant une triple tête,
Il vole sur la tempête,
Il dévore l'univers ;
Et, tyran de la fortune,
À l'un et l'autre NeptuneLa Méditerranée et l'Océan
Son regard promet des fers.

Ses nefs, au loin vagabondes,
Roulent l'orgueil, les trésors ;
Ses voiles, reines des ondes,
Ont usurpé tous les ports.
Bravé de la seule Afrique,
Il voit un groupe héroïque
Veiller sur Algésiras ;
Soudain le géant s'élance,
Pour accabler la vaillance,
Terrible, il lève cent bras.

Mais, de nos héros fidèles
Un dieu protégeant les coups,
Prête sa foudre et ses ailes
À leurs vaisseaux en courroux.
Au triomphe accoutumée,
DesaixCette fiction est fondée sur ce qu'un des vaisseaux portait le nom de Desaix, et sur le souvenir des indignes procédés de l'amiral Keith envers ce héros ! Ton ombre charmée
Accourt, plane sur les vents ;
Et, leur imposant silenceIngrato celeres obruit otio / Ventos ut caneret fera / Nereus fata… (Horat.),
Adresse au géant immense
Ces oracles foudroyans :

« Tremble ! L'univers conspire :
Pleure ton trident brisé !
Colosse fragile ! Expire
Sous tes forfaits écrasé !
L'orage qui te dévore,
Du couchant jusqu'à l'aurore,
Poursuit tes mâts éperdus !
Vents, complices de sa rage,
Du bruit de ce grand naufrage,
Volez réjouir l'Indus.

Va ! La torche incendiaire,
Qui lance un vaste trépasAttentat du 3 nivôse,
L'Alecton auxiliaire,
Dont le glaive suit tes pas,
Rien ne te sauve, perfide !
Ni le poison de Colchide,
Ni ton Plutus assassin.
L'univers se lève, il crie ;
Et tous les ports en furie,
Te rejettent de leur sein.

Aux portes de la BaltiqueCombat du Sund ; héroïsme des Danois
Quelle forêt de lauriers !
La foudre patriotique
Moissonne tes vains guerriers.
De l'Ibère formidableLes escadres espagnoles,
Vois-tu la flotte indomptable,
S'élancer avec orgueil,
Et brisant sa longue entrave,
La vengeance du Batave,
Creuser encor ton cercueil ?

Le destin veut dans ton île
Enchaîner les léopards ;
Thétis mène un autre AchilleAlter erit tum Typhis et altera qua vehat Argo / Delectos heroas, erunt etiam altera bella, / Atque iterum ad Trojan magnus mittelur Achilla. (Virgile)
Jusqu'aux pieds de tes remparts :
Le Mars français les menace,
Déjà sa rapide audace,
Franchit les gouffres des eaux ;
À sa voix les pins s'irritent,
Les forêts précipitent
Et se courbent en vaisseaux.

Ils t'attendent, peuple libre,
Quels exploits te sont offerts !
Rends au monde l'équilibre,
Du commerce romps les fers.
Lance enfin, lance la foudre… »
Soudain le colosse en poudre,
Tombe à ce coup inouï ;
Et son règne s'évapore,
Plus vain que le météore,
Dans les airs évanoui.