Tombeau de Florian à Sceaux (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1795

Genre poétique

Description

Quatrains d'alexandrins en rimes croisées

Paratexte

Texte

Ô bois silencieux, et toi, rive fleurie,
Écoutez les accens de ma juste douleur !
Seul conduit dans ces lieux par la mélancolie,
D'Estelle et de Numa je viens pleurer l'auteur.

C'est ici qu'il vivait. Les voilà ces bocages,
Où son cœur, aussi pur que l'éclat d'un beau jour,
Goûtait un calme heureux au milieu des orages,
Où sa muse chantait l'innocence et l'amour.

Je veux à cet ami de la simple nature
Élever de mes mains un modeste tombeau.
Un myrte l'ornera de sa douce verdure ;
À ses pieds brillera le cristal d'un ruisseau.

Florian méritait une plus longue vie.
Mais il fut malheureux : il avait des talens.
Trop vertueux pour être à l'abri de l'envie,
Il vient de succomber à la fleur de ses ans.

Quand un nouveau Néron, dans sa rage inhumaine
Immolait l'innocence avec impunité,
Florian gémissait ; il mérita sa haine,
Et ne put échapper à la captivité.

Perdant la liberté, sans perdre sa constance,
Il fixe l'avenir d'un regard assuré.
Quelquefois seulement ses yeux pleurent l'absence
Des bocages chéris dont il est séparé.

Mais le peuple se lève, et le tyran expire :
La vertu voit un terme aux maux qu'elle a soufferts
L'humanité, les lois ont repris leur empire,
Et Florian captif a vu briser ses fers.

Il revient habiter sa solitude obscure :
Il revoit ces vergers, ce vallon, ce coteau ;
Mais de ses maux passés la cruelle peinture
Empoisonne ses jours et creuse son tombeau.

Il n'est plus… Qu'ai-je dit ? En dépit de l'envie,
De l'injure des ans son nom sera vainqueur ;
Et les productions de son heureux génie
Retraceront toujours les vertus de son cœur.

 
 

Sources

Bulletin de littérature, des sciences et des arts, n° 2, Paris, Hocquet et Compagnie, 1795, p. 12.