Vers à Buonaparte

Année de composition

v. 1797

Genre poétique

Description

Quatrains d'alexandrins en rimes embrassées

Paratexte

Texte

Un héros m'apparoit dans les bras de la gloire :
L'olivier sur son front se marie au laurier,
Bonaparte, c'est toi ! Philosophe guerrier,
Que désarma la paix au sein de la victoire.

Quel chantre audacieux, dans ses transports brûlans,
Domptant en quinze jours le tyran de Savoie,
Tel que le fier lion élancé vers sa proie,
Sur le pont de Lodi suivra ses pas sanglans ?

La superbe Milan succombe avec Pavie,
Pavie où vit un roi se briser son orgueil !
À des républicains n'offre qu'un faible écueil,
Et son unique effort est une perfidie.

Elle est déjà vengée aux bords du Mincio,
Je vois flotter déjà les drapeaux de la France ;
Wurmser dans le Tyrol cache son impuissance,
Naples, Rome ont fléchi sous le vainqueur du Pô.

Cygne du Mantouan, de ta cendre stérile,
Ah ! Renais ! D'Érato ressaisis le clairon,
Tout autre y toucheroit sans l'aveu d'Apollon
Pour chanter Bonaparte, il faut être un Virgile.

Peins son noble sang-froid aux murs de Lonado,
Peins-le à Roveredo, vif, ardent, intrépide ;
Le long de la Brenta, peins sa course rapide,
Et Wurmser éperdu, fuyant de Bassano.

Plateau de Rivoli, théâtre de carnage,
Piave, Tagliamento, fameux par nos succès ;
Et vous, monts de Tervis, qui vîtes les Français
Triompher sur vos pics où se forme l'orage.

Aux siècles à venir de nos braves soldats,
Quand vous direz la fougue et la vaillance extrême,
Adoucissez les traits de la vérité même,
Leurs exploits, tels qu'ils sont, on ne les croiroit pas.

Mais à l'humanité longtems inaccessible
Le despote germain entend enfin ses cris,
Et jusques dans son camp la paix au doux souris,
Offre un nouveau trophée au héros invincible.

Sur un pont foudroyé par cent bouches d'airain,
De Coclès, de Bayard rappelant la mémoire,
Arcole l'avoit vu maîtriser la victoire,
Braver le fer, le feu, et fixer le destin.

Il paroit aujourd'hui, tel qu'aux murs de Carthage,
Parut après Zama le premier Scipion ;
Vienne sur ses glacis a reçu son pardon ;
La main qui le formoit a conjuré l'orage.

Ainsi du dieu du jour, quand les feux bienfaisans
Percent l'épaisse nue où siégeoient les tempêtes,
Ses rayons tempérés dissipent sur nos têtes
Les foudres qu'amassoient ses rayons trop ardens.

À l'attrait séduisant d'un belliqueux trophée,
Hoche aussi préféra le modeste olivier ;
La haine en rugissant, vit aussi ce guerrier
Fouler d'un pied vainqueur la discorde étouffée.

De tes nombreux exploits, il ne fut point jaloux,
À son rival heureux, il sut rendre justice ;
Le Clichien frémit de ce grand sacrifice,
Et par la calomnie exhale son courroux.

Ne crois pas échapper à son venin perfide,
L'envie a de tout tems poursuivi les héros,
Immortel Buonaparte, et malgré ses travaux,
Le trépas à tes traits put seul soustraire Alcide.

Sur le Rhin, cependant de l'empire français,
Par un nouveau traité vas poser la barrière ;
Puis reprenant la foudre, à la fière Angleterre
Fais expier les maux que son orgueil a faits.

 
 

Sources

BNF, 8 Ye 5064.